Pointer Sisters première partie
Dans la foulée de l’album So Excited! les Pointer Sisters récidivent avec ce qui restera le plus grand succès discographique de leur carrière, un album imparable.
L’album Break Out des Pointer Sisters
Encore une fois, l’effet compil est bien là : que de hits grandioses ! Toutefois, une remarque s’impose. Même s’il reste par ci par là des instruments naturels, l’essentiel de la musique est joué par des synthétiseurs et des boites à rythmes. On pourrait même dire que c’est un album Electro Dance. Pour Break Out, l’option s’avère payante et ne diminue en rien la qualité des compositions et des interprétations.
Le problème avec l’Electro, c’est que ça devient vite une facilité bien pratique : presque pas de musiciens dans le studio, une prise de son réduite au minimum. Pas mal de choses sont programmées dans un séquenceur donc exécutables à volonté donc enregistrées en peu de prises… Le défi n’est pas le même qu’avec un ensemble de vrais musiciens jouant des instruments naturels. Mais tant que les compositions et les arrangements volent haut, ça n’est pas un problème. On verra sur l’album suivant ce que ça donne quand la qualité des compositions faiblit. Pour l’heure, que de grands morceaux !
Jump, merveilleusement interprétée par June et bande son d’une scène culte du film Love Actually :
Automatic, magnifié par la voix de contralto de Ruth :
Baby Come And Get It :
I Need You : là, les trois soeurs se livrent à un exercice extrêmement périlleux. Habituellement, une des soeurs tient la voix lead et les deux autres font les harmonies vocales. Exceptionnellement, elles se repassent la voix lead d’un couplet à l’autre. Là, on est dans une toute autre stratosphère : elles ne cessent d’attribuer la voix lead à l’une d’elle, les deux autres reprenant les harmonies vocales instantanément. Et ça, change tout le temps !
En studio, on peut comprendre qu’une prise de son peut toujours être refaite. Mais le plus fort, c’est qu’elles peuvent reproduire le même exercice périlleux sur scène :
Neutron Dance :
Nightline :
L’après Break Out, l’album Contact
Les grands albums de l’histoire de la musique ne doivent leur notoriété qu’à eux-mêmes. Ils n’ont atteint un succès universel que par leur qualité intrinsèque. A la force des bras, sans bénéficier au départ d’un a priori positif, ils ont fini par être reconnus comme des chefs d’oeuvre, parfois instantanément, parfois avec le recul du temps. L’album suivant du même artiste va grandement bénéficier de cette aura, même si ses qualités sont moindres. Tusk de Fleetwood Mac profitera grandement de la réputation de Rumours mais on s’apercevra avec le temps qu’il est nettement moins “magique”. Smile des Beach Boys contre Pet Sounds. Bad de Michael Jackson contre Thriller. Goat’s Head Soup des Stones contre Exile On Main Street… Les exemples sont nombreux.
Avec So Excited! et Break Out, les Pointer Sisters viennent de sortir, coup sur coup, deux albums extraordinaires… En comparaison, Contact est plutôt décevant alors qu’il s’est, évidemment, très, très bien vendu à l’époque. On n’y retrouve pas ces morceaux au charme fulgurant que possédaient ses deux grands frères. D’une certaine manière, les Pointer Sisters sont en train de perdre leur manne créative sur un plan discographique même si leur carrière restera très productive et passionnante sur le plan scénique. Pour nuancer les choses, il faut quand même reconnaitre que peu d’artistes ont sorti deux chefs d’oeuvres intemporels dans toute leur carrière. Ce privilège est réservé aux plus grands parmi les grands et produire pas mal de “bons albums” est déjà très méritoire et remarquable.
Pour l’album Contact, la compétence et le savoir-faire sont toujours là, plus que jamais, mais c’est le charme fulgurant des compositions qui manque cruellement. Le genre de charme qui fait qu’une chanson, même mal jouée par un musicien, demeure passionnante à écouter. Imaginons deux secondes I’m So Excited, Heart To Heart ou Jump jouées sur un orgue Bontempi à deux balles et chantées approximativement… Non seulement on reconnait les chansons mais on est quand même content de les entendre parce qu’elles nous rappellent les émois provoqués par les originaux.
Twist My Arm :
Back In My Arms :
Dare Me :
Quand on lit la liste des musiciens impliqués dans l’album, deux choses sont frappantes : une foule de joueur de synthés et pas de batteur, juste des boites à rythmes. Les synthétiseurs ont toujours fait partie du son Pointer Sisters mais au milieu d’instruments naturels (guitares, pianos, basse, batterie). Là, on fait dans le tout synthétique, ou peu s’en faut. D’où le son peut être un peu froid de l’ensemble et cette impression de “matraquage” rythmique incessant, là où leurs morceaux précédents contenaient des variations d’intensité sonores qui participaient beaucoup à leur charme.
Suite de l’après Break Out :
Je me suis mis en devoir d’écouter tous leurs albums suivants et ai d’ailleurs eu du mal à trouver l’exception qui confirme la règle. Pourtant, tout relève d’un savoir-faire de haut vol : de très belles harmonies vocales, des morceaux arrangés à la perfection et merveilleusement produits. Tout est techniquement irréprochable mais rien ne touche vraiment au coeur, contrairement à tous leurs merveilleux morceaux du début des années 80.
Trois exceptions : Goldmine
Be There pour le film Le Flic de Beverly Hills II :
Et Power Of Persuasion pour le film Le Golf En Folie 2 :
L’album Only Sisters Can Do That :
On est en 1993 et cet album renoue complètement avec leurs grandes heures. Malheureusement, ce sera le dernier avec June. On y retrouve ce mélange subtil d’instruments naturels et de synthétiseurs qui avait porté si haut l’album So Excited! et de très belles compositions.
Don’t Walk Away :
Dans Only Sisters Can Do That, elles portent un regard attendri sur leurs années d’école et la complicité qui existait déjà entre elles, en tant que soeurs :
June Pointer †
Suite à des problèmes de santé, June devient incapable d’assumer physiquement les shows du groupe et le quitte en 2002. Il faut savoir qu’elle a été accro à la cocaïne une bonne partie de sa carrière. Elle sera remplacée par Issa, la fille de Ruth, qui, sans avoir le charisme de June, assurera la continuité des Pointer Sisters sur scène. June décèdera le 11 avril 2006 entourée de ses soeurs.
Anita Pointer †
Après avoir assuré sur scène la voix principale de beaucoup de morceaux, Anita décèdera le 31 décembre 2022. Elle sera remplacée par Sadako, la petite fille de Ruth. Les Pointer Sisters ont toujours été une affaire de famille et le restent. Ruth, Issa et Sadako continuent toujours à faire des concerts. Il est probable que quand Ruth décèdera, un autre membre de la famille la remplacera.
Epilogue
Je serais tenté de considérer les Pointer Sisters comme des Beatles afro-américaines du début des années 80. La diversité du public touché, le succès rencontré, l’omniprésence de leurs hits à la radio et dans les discothèques à l’époque et leurs arrangements vocaux soignés me font penser à ce qu’auraient fait les Beatles s’ils avaient été afro-américains dans l’Amérique du début des années 80. Les arrangements vocaux soignés et la complémentarité des tessitures vocales étaient un trait distinctif des Fab Four.
Outre l’apport immense des Pointer Sisters à la musique de cette époque dans les arrangements et les sons, leurs tessitures s’accordaient parfaitement et elles savaient vraiment en effectuer l’arrangement. Ruth est contralto, Anita est mezzo-soprano et June est soprano, ce qui leur permet de couvrir l’étendue de toutes les voix féminines. Mais, de plus, chacune a une tessiture très ample qui lui permet de s’aventurer avec aisance dans la tessiture au-dessus et au-dessous. Le morceau I Need You dans l’album Break Out en est un bon exemple.
Bonus
Il est difficile d’imaginer l’histoire de la musique sans les Pointer Sisters aussi, pour finir avec panache, voici I’m So Excited live en 2002. Issa avait déjà remplacé June. Ces trois fées savent vraiment mettre le feu à une salle et ça ne fait que s’amplifier au fur et à mesure du morceau :