Centre spatial de Menton
Il est compliqué pour un astrophysicien
de parvenir à observer un agrume
cosmique au télescope, par exemple un
citron solaire de Menton caché au fin
fond de notre système interstellaire
entre les gaz d’hélium-3, les rayons
cosmiques, les poussières d’étoiles qui
le composent.
Mais des physiciens et des ingénieurs en
aérospatiale, tous logés dans la grande ruche
de la N.A.S.A ont récemment envoyés, après
avoir découverts près de Sirius dans l’ombre
de deux étoiles une limette géante d’Inde
Orientale, un robot munit de sondes, de
perforeuses, de bras articulés multiples et
d’appareils photographiques capables
d’analyser la matière pulpeuse de son sol
riche en vitamines C, sans faire pleurer ce
drôle de soleil jaune et acide à la chair
onctueuse, en évitant que l’appareillage de
leur automate spatial ne se fasse arroser par
le jus d’acide brûlant de cet astre à pépins et
ne finisse en un tas de matériaux informes.
Ce qui pour les astronomes serait une
catastrophe.
Dans les vastes sous-sols sécurisés de la
N.A.S.A, les yeux rivés sur leurs
ordinateurs, nos terriens ingénieurs
s’agitent.
Comme à leurs habitudes d’humains lorsque
qu’ils sont angoissés, la tristesse envahit leurs
cervelles bien pleines de chiffres et de soif de
conquêtes.
Ils sont anxieux, une seule erreur de leurs
parts et la sonde et ses occupants à mille
années- lumières d’ici finiraient en purée de
matière organique et de métal.
Alors, sans que personne ne sache
pourquoi, ils se lèchent mutuellement
d’un geste habile avec la langue les larmes
qui coulent sur leurs joues en se
remémorant douloureusement, histoire de
remuer le couteau dans la plaie, tous les
échecs successifs des expéditions spatiales
antérieures.
Allez savoir pourquoi, ces insuccès, ils se
les figurent sous forme de natures
mortes constituées de constellations
d’étoiles en forme de fruits.
Au plus fort de cette vive tension nerveuse
collective, l’équipe de la N.A.S.A, comme
un seul homme éclate en sanglot.
Chacun de ceux qui la compose voit sa tête
se transformer en toile d’Arcimboldo.
Armé d’un couteau bien affuté chacun
épluche le visage de son voisin.
Je vous le dis, ces gens-là sont étranges.
Pour en revenir au citron solaire, étude de
toutes leurs attentions, il faut le décrire tel
un corps céleste dense qui dégage une
lumière caressante aux moments où il
étreint dans l’ombre, son satellite lunaire
appelé noix de coco.
Étreintes qui donnent naissance à chaque
fois à des éclipses,
Parfois, le cosmos qui les entoure tremble
d’un coup, lorsque le soleil citron pris d’un
plaisir sensuel subit, déchire l’espace de sa
voix grave parce que la lune noix de coco
se crispe sous l’effet d’un vent sidéral,
comme pourrait le faire un orteil encerclé
par une escadrille de crevettes poussant
des cris d’horreur sur une plage de
Menton.
Texte: Mattéo Vergnes
Illustrations: Mattéo Vergnes, Muriel Fangeaux