Tant qu’à asséner des coups à la langue française comme ces difformateurs de l’orthographe entendent le faire alors autant écrire au-gnon pour oignon au moins on saura pourquoi la vérité étant que sous de fallacieux arguments prétendument généreux et totalement démagogiques des hommes d’impouvoir affublés d’une petite cohorte de pseudo-experts las de n’avoir aucune prise sur la réalité s’en prennent à ce qui ne leur appartient pas à ce qui les dépasse et nous dépasse tous avec sinon un mépris du moins une haine sidérante de la beauté qui est la marque de notre époque marque débile espérons pas indélébile car ces gens-là ont en horreur ce qui est plus grand qu’eux ce qui leur a préexisté et leur postexistera tout ce qui ne tourne pas en orbite autour de leur petit nombril leur est proprement insupportable ainsi transforment-ils nos magnifiques paysages en zones commerciales hideuses et livrent-ils notre belle langue aux vendeurs de hamburgers et autres pilleurs de temps de cerveau disponible faisant le jeu à force d’une soi-disant simplification de la langue qu’il faudrait nommer simplistification des propagandistes de tous poils qu’ils soient mercantilistes fascistes gauchistes ou djihadistes car moins la langue pourra dire la diversité la richesse et la complexité du monde moins elle offrira à ses locuteurs de subtilités et de nuances plus elle sera apte à véhiculer des idées qui n’en sont pas des pensées à deux balles autant dire des slogans de pilleurs de neurones ou d’assassins mais les fomenteurs de cette réforme après nous avoir taxé de ringardise nous expliqueront que la langue n’est qu’un simple instrument de communication un ustensile sans âme ni histoire ni étymologie un truc pratique utilitaire à ce compte-là autant parler l’anglais pas celui de Shakespeare mais celui de Disneyland qui permet paraît-il de se sauver plus vite d’un avion en feu ou le codage informatique et la langue binaire des robots ou pourquoi pas l’aboiement qui aide à se faire comprendre quand on a faim oui l’onomatopée pour eux doit être l’avenir de la langue aussi intiment-ils à nos chers mots de se découvrir d’enlever leurs couvre-chefs nous devrions dire invitent-ils car dans leur magnanimité de gérants de supermarchés voilà qu’ils nous proposent deux articles deux produits une langue à deux vitesses en fait qui n’aura d’autre effet que de creuser un peu plus les fossés les discriminations et les rejets cependant ils se défendent déjà et nous accusent de préférer les mots aux hommes comme si l’amour des mots et celui des hommes n’en faisaient pas qu’un comme si un mot au fil de sa longue histoire ne répandait pas avec patience et délicatesse le meilleur arôme de l’humanité évoluant sans cesse mais à son rythme sans lois ni décrets au gré des rencontres et de l’inventivité des écrivains ou des passants vraiment nous pleurerons deux fois ce soir en épluchant nos oignons et seule l’idée que ces casseurs institués de poésie et de beauté, ces huiles inessentielles se mettront désormais à la tache pourra nous consoler !
Étienne Orsini