Déjà Lamartine interrogeait : objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? (1) Certains souvenirs sont ancrés en nous, dans notre mémoire, chargés d’émotions, mais nous les pensons oubliés. A la vue d’un objet, d’une odeur, toujours par hasard, ces émotions enfouies, parfois, remontent à la surface. La madeleine de « la recherche du temps perdu » a ce pouvoir émotionnel :
« Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse … »
Sans doute qu’en visitant l’exposition du Louvre sur « les choses. Une histoire de la nature morte », vous pourrez être saisi d’une émotion et que des images anciennes, cachées en vous, réapparaîtront. Depuis l’antiquité, les artistes ont cherché à laisser une trace de leur mode de vie en peignant leurs objets les plus quotidiens, pour décrire leur univers, ou simplement laisser une trace des choses qu’ils aimaient.
Souvent ces « choses » ont un écho en nous et nous restons à les contempler longuement en éprouvant une sorte de sérénité retrouvée, loin de notre vie tumultueuse et futile. Sans le chercher, naturellement, au plus profond de nous, nous acceptons de laisser notre esprit former des ponts entre nos yeux et notre mémoire, entre un passé inconnu et celui que nous avons vécu et cru oublié.
D’abord symbole de richesse et de bonheur, certes éphémère mais pour l’heure bien réel, les scènes peintes décrivent le faste de la vie quotidienne. Les fleurs émeuvent par leur beauté fragile comme les nourritures (poissons, viandes, fruits et légumes) présentées dans leur somptueux vases, pots et vaisselles rappellent l’urgence à consommer notre bonheur et la précarité des choses. Les instruments de musique, les livres, objets saints insistent sur la nécessité de la connaissance, de la spiritualité et de l’art pour atteindre le bonheur. Et en même temps, dans ces natures dites mortes, qui peuvent nous faire revivre tant d’émotions, toujours l’accent est porté sur la fragilité et la brièveté de la vie.
Ne manquez pas cette exposition qui dure jusqu’au 23 janvier 2023. Elle aussi est éphémère, profitez-en pendant que c’est possible.
(1) Lamartine – Harmonies poétiques et religieuses