Il y eut un premier jour. Il y eut un matin.
Bien avant que le terme Glam Rock n’apparaisse, à une époque où les obscurs Marc Bolan et David Bowie gratouillaient encore leur guitare acoustique dans l’indifférence générale, il a existé ce qu’on pourrait appeler une genèse du Glam Rock. Des personnalités qui ont fortement influencé et son apparition et son existence.
A la fin des années 60, les États-Unis vivent dans la musique et l’état d’esprit Flower Power. Le Rock Hippie s’est répandu partout. Certains ne se reconnaissent pas dans ce flot de bons sentiments teinté de douceur de vivre. Leur réalité quotidienne va à l’encontre de cet optimisme un peu béat. Leur parcours personnel, également, a été difficile et solitaire. Le Flower Power n’est pas pour eux et ils vont décrire et exprimer dans leur musique une toute autre réalité qui, il faut bien le dire, existe aussi.
Lou Reed
Lewis Alan Reed aurait dû être un adolescent normal… S’il avait vécu à une autre époque et dans un autre monde. On est dans une décennie, les années 50, où l’homosexualité est encore considérée comme une maladie mentale. Il recevra une série d’électrochocs pour le “guérir” de cette “maladie” et d’un état dépressif avancé.
Dès lors, l’abus de médicaments puis de substances illicites vont l’accompagner dans son écriture de chansons aux termes crus, choquants, mais terriblement évocateurs. Au milieu des années 60, il fréquente assidûment le milieu interlope de New York, ville de perversion s’il en est à l’époque. Dans ce milieu hors norme se côtoient aussi bien des junkies que des artistes avant-gardistes, des intellectuels décalés que des transsexuels frayant avec la prostitution. Le grand pape de tout ce bouillonnement est Andy Warhol. Sa Factory représente de la manière la plus branchée possible les remous de ce monde à part.
Lou Reed, John Cale et quelques autres, sous l’égide de Warhol, créent le Velvet Underground, groupe phare des années 60, dont Brian Eno, clavier de Roxy Music, dira que leur premier disque a fait créer un groupe à chaque personne qui l’a acheté.
A notre époque, le Velvet Underground bénéficie d’une admiration générale pour ce qu’il a apporté au Rock mais, à l’époque, le succès n’a jamais été au rendez-vous. Il faut s’imaginer cette Amérique de la fin des années 60, baignant dans le Rock Hippie et écouter le premier album du groupe pour comprendre. Ils n’ont rien à voir avec le monde dans lequel ils vivent. Si on prend les chansons à la mode de l’époque, “si tu viens à San Francisco, n’oublie pas de mettre des fleurs dans tes cheveux” et qu’on écoute ensuite le Velvet, “l’héroïne, c’est ma vie et c’est ma femme”, on réalise à quel point les chansons de Lou Reed étaient comme des extraterrestres débarquant en Amérique.
La puissance et la grande valeur du Velvet Underground reposent sur deux choses. Tout d’abord une musique qui, bien qu’étant du Rock, est terriblement expérimentale par moments et des textes décrivant ce fameux monde interlope new-yorkais. Tous les sujets les plus tabous y passent, en termes crus mais non dénués de poésie. La façon très particulière qu’a Lou Reed de les interpréter, entre le parlé et le chanté, sera sa marque de fabrique.
I’m Waiting For The Man
Heroin
White Light/White Heat
Sweet Jane
Rock And Roll
En 1970, lassé de ces déboires et de leur maison de disque qui ne pense qu’à leur faire sortir des hits, Lou Reed claquera la porte et entamera, avec l’aide de David Bowie et de Mick Ronson, la carrière solo fastueuse et lucrative qu’il mérite.
Walk On The Wild Side :
Alice Cooper
La distorsion entre l’attitude scénique et privée d’Alice Cooper pourrait difficilement être plus grande. Sur scène, il a tout d’un pervers narcissique racontant des histoires horribles dont il se délecte. En interview, on est face à un interlocuteur précis dans ses propos, rationnel et vraiment intéressant, chaleureux même. Alice Cooper assume totalement le fait d’être un acteur de théâtre opérant dans le cadre du Rock.
L’humour est l’arme fatale d’Alice Cooper mais il faut parfois un certain recul pour l’apprécier et beaucoup de ses détracteurs ont tout pris au premier degré, le prenant pour un sataniste.
Les membres du groupe sont outrageusement maquillés depuis le début, Alice Cooper plus que les autres. Ressemblant à un personnage de film d’horreur, parfois habillé en femme, ses frasques scéniques sont sans limites. Lors d’un concert, à ses débuts, le public lui a jeté un poulet vivant sur la scène. Peu renseigné sur les aptitudes aviaires, Alice Cooper était persuadé qu’en envoyant le poulet en l’air, il s’envolerait. Las ! Celui-ci s’est écrasé dans la foule qui l’a mis en pièce et renvoyé les morceaux sur scène. Inutile de dire que l’événement a fait scandale. Au milieu des simulations de décapitation ou d’exécution par la chaise électrique déjà présentes pendant les shows, la réputation d’Alice Cooper n’a fait que grandir, même si, en l’occurrence, le coup du poulet était involontaire.
La musique du groupe, très inspiré du Hard Rock, est très travaillée et constitue une sorte de bande sonore de film d’horreur, un parfait exemple de Shock Rock, un Rock fait pour choquer. Frank Zappa les produira pendant deux albums.
Under My Wheels :
School’s Out, que l’on pourrait traduire par l’école est finie, célèbre pour les mômes le fait d’être délivrés de cette institution :
En pleine période Glam Rock, pendant les élections américaines, il obtiendra un hit avec Elected, une parodie de la politique et de ses magouilles :
Quand on lui a demandé, il y a quelques années, ce qu’il pensait du chanteur Marylin Manson, Alice Cooper a répliqué, non sans humour, en prenant un air pénétré : “se maquiller, s’habiller en femme, porter un nom de femme… C’est très original. Ça n’a jamais été fait.”
A suivre…