Depuis les débuts de Rebelle(s), dans nos colonnes ont été publiés des articles qui ne faisaient pas la part belle à la Miviludes (Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires), et plus généralement à la politique « antisectes » de la France et de ses satellites associatifs.
Pourtant, outre que les articles publiés n’engagent que leurs auteurs, vu les grandes différences d’opinions qui existent au sein des contributeurs de Rebelle(s), il n’y a personne ici qui pense qu’un gourou violeur, un prêtre pédophile, un thérapeute escroc ou un quelconque contrevenant à la justice pénale devrait échapper à cette dernière. Personne ici dans l’équipe ne prétendrait même qu’il n’existe pas des situations graves méritant intervention de la police, dans des groupes marginaux ou pas, et nous ne sommes pas, en général, partisans d’un laxisme exacerbé en matière de religion ou de santé.
Alors pourquoi ?
La réponse tient difficilement dans un seul article. De nombreux ouvrages ont été écrits sur les limites et surtout les dangers de la politique antisectes française et parmi ceux-ci, nous vous conseillons Pour en Finir avec les Sectes, de Massimo Introvigne et Gordon Melton, et Raison d’Etat, Histoire de la lutte contre les sectes en France, d’Etienne Ollion. En attendant, voici quelques éléments pour comprendre.
Un peu d’histoire (en coup de vent)
La lutte contre les sectes est une vieille histoire. Il a toujours fallu un mot pour condamner les groupes religieux dont le pouvoir, ou un pouvoir, voulait se débarrasser. Il y a longtemps on utilisait le mot hérésie, et on brûlait les hérétiques[1]. On a appliqué les termes sectes et hérésie à deux branches du judaïsme : les Pharisiens et les Sadducéens. On les a appliqués aux disciples de Pythagore, aux disciples de Saint Paul, aux protestants. Au 19e siècle, la secte par excellence était l’Armée du Salut, dont les membres furent grandement persécutés. Selon l’endroit du globe où l’on se trouve, la secte (ou son équivalent dans la langue locale) n’est pas forcément la même. Dans les années 90 en Grèce, un rapport des services secrets grecs qui avait fuité révélait que les deux sectes les plus dangereuses en Grèce étaient l’Église Catholique et les protestants. Chez les collaborateurs de plume des années d’occupation nazie, la secte, c’était les francs-maçons. Les Chinois ont aujourd’hui leurs Xie Jiao (mouvements hétérodoxes), dont ils emprisonnent les membres, les torturent et parfois vendent les organes. Les victimes des persécutions du pouvoir chinois sont de toutes les églises et mouvements religieux ou spirituels qui n’ont pas prêté allégeance au Parti et représenteraient un danger pour son hégémonie. Les Russes listent comme sectes extrémistes tous les mouvements qui pourraient faire de l’ombre au Patriarcat de Moscou, tout ce qui ne se soumet pas au pouvoir du Kremlin, et finalement tout ce qui pourrait avoir un lien avec les États-Unis et « l’Ouest décadent » qu’ils entendent combattre. La rhétorique favorite du Kremlin est de prétendre que la volonté des Ukrainiens de vouloir rejoindre le groupe des démocraties occidentales est un complot fomenté par les Etats-Unis, l’Union Européenne et le Vatican et réalisé avec le concours des sectes occidentales : baptistes, catholiques grecs (Uniates), pentecôtistes, scientologues et « nouveaux païens ».
En France, dans les années 70, les sectes redeviennent à la mode dans tous les sens du terme. Il y a de nombreux nouveaux mouvements religieux qui essaiment sur le territoire, souvent venus d’ailleurs, et les médias se jettent sur la moindre bizarrerie pour en faire des choux-gras. A la fin de la décennie, un couple dont un enfant avait rejoint l’Église de l’Unification, qui plus tard sera appelée quasi uniformément par les médias « la secte Moon », du nom de son fondateur coréen le Révérend Moon, crée une association antisectes appelée ADFI (Association de Défense de la Famille et de l’Individu face aux sectes). Cette dernière, extrêmement agressive et inspirée de mouvements américains similaires, s’associe à des gens pratiquant le « deprogramming », technique violente de « déconversion » utilisant le kidnapping et la violence pour convaincre des adeptes de « sectes » de revenir dans le giron familial.
Mais elle fait des émules. D’autres associations se créent, les médias raffolent de ces histoires à sensation et pleines d’étrangetés, et des hommes politiques, voyant là une belle niche pour exister médiatiquement, s’emparent du sujet. Un premier rapport sur les sectes est rendu au Premier ministre par le député socialiste Alain Vivien en 1985. Le rapport très alarmiste et au fort écho médiatique propose que les adeptes de « sectes » ayant atteint leur majorité puissent néanmoins être mis sous tutelle sur simple demande des parents ou des enfants. Il prescrit aussi la mise en place d’un organisme rattaché au Premier Ministre qui serait chargé du problème des sectes. Il faudra attendre 1996 pour que cet organisme voit le jour.
De l’Observatoire sur les Sectes à la Miviludes
Ce premier organisme s’appellera d’abord l’Observatoire interministériel sur les sectes. Alain Vivien en deviendra le président en 1998 quand celui-ci prendra le nom de Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS). En 2002, suite à différents scandales impliquant Alain Vivien[2], et surtout à de vives critiques sur la scène internationale, la MILS est dissoute et remplacée par la MIVILUDES. En effet, l’idée qu’un État démocratique puisse s’immiscer dans la liberté de conscience des citoyens, et décider quelles religions devraient être adoubées et lesquelles devraient être rejetées, faisait l’objet de nombreuses critiques par des pays démocratiques et des institutions internationales en charge des droits humains. Le gouvernement français réoriente alors la lutte non plus vers « les sectes », mais vers les « dérives sectaires ». Il ne s’agit plus de stigmatiser les mouvements eux-mêmes, mais de s’attaquer aux « dérives », en tous cas sur le papier.
Si au début, une ligne plus modérée prévaut à la nouvelle Miviludes, avec l’adjonction de plusieurs universitaires dans son Conseil d’Orientation, dès 2005 on voit un retour à une « ligne dure ». Eut alors lieu l’éviction de tous les universitaires qui n’étaient pas alignés avec une vision répressive du sujet et ne souhaitaient pas servir de caution aux diverses associations antisectes qui travaillaient pour la Mission.
Dernier rebondissement, en 2020. Suite à un rapport de la Cour des Comptes qui pointait du doigt les dépenses inutiles liées à la Miviludes, celle-ci fut transférée des services du Premier Ministre au ministère de l’Intérieur, pour y devenir un département du CIPDR (Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation).
Une liste et une loi
Petit retour en arrière. En décembre 1995, une commission parlementaire publiait une liste noire de 173 « sectes ». Quelques jours après la publication de cette liste étaient découverts les corps de 16 victimes de l’Ordre du Temple Solaire dans le Vercors, ce qui permit de donner à cette liste un retentissement spectaculaire. Pourtant, l’Ordre du Temple Solaire ne figurait pas dans la liste. Cette liste aurait été réalisée à partir des travaux des Renseignements Généraux (RG). Quelle peut donc être la légitimité et le sérieux d’une telle liste cataloguant les – soi-disant – sectes dangereuses quand une – vraie – bande de fous suicidaires n’y est même pas inventoriée ?
Cependant, certains mouvements ayant réussi après des années de bataille juridique à obtenir le rapport des RG, ont démontré que celui-ci ne contenait rien ne justifiant une mise à l’index[3]. Pire, le principe même de la liste fut fortement critiqué, puisque ces listes noires sont en général l’apanage des sociétés totalitaires, sans même parler de la liste des sectes dressée par les nazis en 1933 et reprise par Heydrich tout au long de l’histoire nazie, qui contenait des mouvements communs avec la liste française. Alors, à partir de 2005, l’État français rejeta cette liste par l’intermédiaire d’une circulaire du Premier Ministre Raffarin, et depuis lors la Miviludes se défend d’utiliser une quelconque liste de sectes. Pourtant, de nombreux médias continuent de s’y référer, et la Miviludes ne se gêne pas pour prétendre avoir établi une liste de 500 sectes pas plus tard qu’en 2021.
En 2001, c’est le sénateur Nicolas About et la député Catherine Picard (qui devint peu après la présidente de l’UNADFI, « Union des Associations de Défense de la Famille et de l’Individu face aux sectes ») qui sont à l’origine de la loi About-Picard, une loi « sur mesure » pour les « sectes », incriminant la « sujétion psychologique » (le terme employé originellement « manipulation mentale » ayant été critiqué comme n’ayant pas de base scientifique, il fut remplacé par celui-là en désespoir de cause), dans le cadre du délit pénal d’abus de faiblesse. Cette incrimination extrêmement vague et fourre-tout, très arbitraire, s’est révélée particulièrement inefficace. Comme le dit l’actuelle cheffe de la Miviludes, Hanène Romdhane, en juin 2022 : « Si l’abus frauduleux de l’état de faiblesse ou d’ignorance semble qualifier une infraction faite sur mesure pour réprimer les dérives sectaires, cette répression n’est pas toujours évidente, voire parfois impossible. Les condamnations sur le fondement de cette infraction restent parcellaires depuis son entrée en vigueur et ne concernent pas forcément des cas de dérives sectaires. (…) Ainsi, la caractérisation, la poursuite et la condamnation de tels faits restent particulièrement limités du fait de la difficile caractérisation juridique de cette notion d’emprise mentale aux contours flous et éloignés des concepts juridiques. »[4]
Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’il n’existe pas des cas où des énergumènes vont agir en groupe (ou un énergumène seul, mais alors il est difficile de parler de “secte”) de manière illicite et abuser de la faiblesse d’autres. L’abus de faiblesse existe, et il existait dans notre code pénal avant la loi About-Picard. Mais il concernait des gens en situation de faiblesse uniquement. L’extension vague, floue et à géométrie variable apportée par la loi About-Picard n’a fait qu’affaiblir cet article du code pénal en en faisant un article de l’arbitraire, inefficace qui plus est.
La problématique
Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles la politique « antisectes » à la française peut être considérée comme critiquable, attentatoire aux libertés fondamentales, voire dangereuse et contre-productive. Nous vous épargnerons les innombrables critiques internationales qui font que la France, sur ce sujet, est considérée à large échelle (à part bien sûr, par des pays comme la Chine, la Russie, et de façon bien plus surprenante quelques rares pays démocratiques comme la Belgique ou le Luxembourg) comme au mieux singulièrement intolérante, et au pire carrément liberticide. Nous tenterons ici de résumer brièvement les principales critiques pouvant être formulées pour expliciter le point de vue.
L’absence de définitions
Le mot « secte », et par voie de conséquence son dérivé « sectaire », n’ont jamais reçu de définition juridique. Ce n’est pas un accident. Il s’agit là d’une intention délibérée, afin de pouvoir choisir arbitrairement qui placer parmi les « sectes », sans avoir à se justifier juridiquement. Catherine Picard, alors présidente de l’association antisectes UNADFI déclarait le 25 avril 2005 : « Nous avons, en accord avec l’ensemble des parlementaires qui travaillent au niveau européen sur ce sujet, décidé de dire qu’il ne faut pas définir. Parce que la définition du terme secte, qui en France n’est pas défini juridiquement, permettrait aux mouvements sectaires de sortir du cadre de la définition. »
Le concept de sujétion psychologique ou d’emprise mentale lui non plus n’est pas défini. Scientifiquement, le consensus est que ces notions n’ont pas de fondement scientifique. Pour le sens commun, on peut facilement observer que ce genre de concepts pourrait tout aussi bien s’appliquer à une religion établie qu’à une publicité bien réalisée ou à Jean-Luc Mélenchon, voire aux antisectes eux-mêmes. Juridiquement, c’est comme nous l’avons citée précédemment, la cheffe de la Miviludes elle-même qui reconnaît que c’est là une notion « aux contours flous et éloignés des concepts juridiques »[5]. Là encore, c’est le règne de l’arbitraire.
La dangerosité
Personne ne nie qu’il existe des groupes religieux criminels et dangereux, ou des thérapeutes délinquants, criminels et eux aussi dangereux. Comme l’a écrit le sociologue Massimo Introvigne : « Pratiquement tous les spécialistes des nouveaux mouvements religieux reconnaissent l’existence de “mouvements religieux criminels“, tant parmi les religions nouvellement établies qu’au sein des anciennes religions (comme les réseaux de prêtres catholiques pédophiles ou les organisations terroristes qui prétendent agir au nom de l’islam). Seulement, ils font référence à des groupes commettant des crimes réels, tels que le terrorisme, la violence physique et les abus sexuels, plutôt que des crimes imaginaires consistant à “être une secte“ ou à “utiliser le lavage de cerveau“. »
D’autre part, un mouvement qui pratiquerait l’évasion fiscale devrait effectivement être condamné si le fait est avéré. Un psychiatre qui violerait ses patients de même. Et il en est ainsi de toute infraction à la loi pénale qui serait commise au sein d’un nouveau mouvement religieux.
Cependant, deux éléments sont à relever ici. Le premier est qu’il n’existe aucune étude sérieuse qui montrerait que les délits et crimes seraient plus nombreux dans les nouveaux mouvements religieux que dans les religions établies de longue date (ce qu’on appelle couramment les « grandes religions »). Plusieurs études concluent à l’inverse que la violence dans les nouveaux mouvements religieux ou « sectes » est un phénomène rare si l’on le compare à la violence liée aux religions traditionnelles.[6] Si l’on compare les cas de pédophilie trouvés dans des prétendues « sectes » à ceux découverts dans l’Église Catholique, on est loin du compte.
De même, la commission de crimes ou délits dans des groupes humains ne semble pas plus prépondérante dans les nouveaux mouvements religieux que dans les partis politiques ou les grandes multinationales. Les Témoins de Jéhovah ont été poursuivi par le FISC français pendant des années pour des faits de fraude fiscale mais ce genre de condamnations est monnaie courante pour les grandes entreprises internationales, et finalement la Cour Européenne des Droits de l’Homme a donné raison aux Témoins de Jéhovah en 2011 et l’État français a dû rendre les millions qu’il leur avait soustraits…
Bref, tout délinquant ou criminel devrait être logé à la même enseigne, secte ou pas secte, et rien ne justifie qu’on stigmatise et pénalise celui qui aurait la mauvaise idée d’avoir la « mauvaise religion ». C’est ça, l’égalité devant la loi. Et notre arsenal pénal est plutôt bien équipé pour se charger du délinquant et du criminel.
L’hypocrisie de la « dérive »
Même si depuis 2002, la Miviludes prétend ne plus s’en prendre aux « mouvements » eux-mêmes, mais uniquement aux « dérives », il apparaît qu’il ne s’agit là que d’un effet sémantique. En effet, il est courant d’entendre dans leur bouche les termes « mouvements à caractère sectaire », ou « mouvements à dérives sectaire », ce qui revient dans les faits à parler de « sectes » mais sans dire le mot. Rien n’a changé de ce côté, si ce n’est qu’on a choisi l’hypocrisie pour sauver les apparences.
Une méthodologie inexistante
La Miviludes publie régulièrement des rapports qui abondent en chiffres divers, nombre de sectes, nombre de « saisines », nombre de présumées victimes. Pourtant, lorsqu’elle est poussée dans ses retranchements, elle reconnait que ces chiffres sont souvent arbitraires, datent de plus de 25 ans[7], ou sont carrément non fiables, comme le nombre de saisines de la Miviludes censé être l’indicateur majeur du phénomène, qui inclut les communications entre les différents services de l’État, les interrogations des ministères, des préfectures, etc. De plus, n’importe quelle personne peut écrire à la Miviludes sur n’importe quel mouvement, et cela sera comptabilisé comme une saisine.[8] Tout ceci permet de gonfler un phénomène qui serait sinon quasi inexistant.
Stigmatisation, discrimination, persécution et effets secondaires
Le principal problème de la politique antisectes française est qu’elle entraîne de nombreux effets délétères pour ceux qui se retrouvent ainsi stigmatisés parce qu’ils ont choisi une religion ou une spiritualité décriée et qualifiée de sectaire par les militants antisectes.
Sans parler des effets psychologiques sur les personnes qui vivraient mal le fait d’être ainsi stigmatisées pour leurs croyances, et bien souvent être jetées en pâture à des médias avides de sensationnalisme, il existe une ribambelle de cas concrets de discrimination liés à la qualification de « secte ». Des individus ont perdu leurs emplois parce qu’avait fuité leur appartenance à « une secte ». Des membres de nouveaux mouvements religieux se sont vus renvoyés de leur banque et fichés dans les systèmes occultes des banques françaises quand leur appartenance fut découverte. Des mouvements religieux qualifiés de « sectes » doivent faire face à du harcèlement administratif de la part des administrations, voire à du harcèlement judiciaire (voir notre commentaire précédent sur l’affaire des Témoins de Jéhovah contre le FISC).
Plus grave, les campagnes contre les sectes peuvent amener des individus malsains d’esprit à passer à l’acte. A deux reprises, des églises de Scientology françaises ont été victimes d’attentat à la bombe, par des individus qui ont reconnu par la suite avoir été influencés par les campagnes de propagande des associations antisectes.
A l’étranger aussi, les effets secondaires sont terribles. La Chine communiste se félicite régulièrement du soutien des associations antisectes françaises dans sa lutte contre le Falun Gong, un mouvement spirituel de pratique du Qi Qong quasiment éradiqué en Chine, dont les membres sont emprisonnés, torturés, et dépouillés de leurs organes, comme l’ont dénoncé des experts de l’ONU à plusieurs reprises. La Russie de Poutine a adopté la FECRIS (Fédération Européenne des Centres de Recherche et d’Information sur les Sectes), une association entièrement financée par la France et partenaire officielle de la Miviludes. Les membres russes de la FECRIS n’ont aujourd’hui de cesse que de fustiger les soutiens sectaires de Zelensky, de louer Poutine pour sa guerre en Ukraine afin de « protéger le monde russe », d’appeler à la dénonciation des membres de sectes autant que des dissidents anti-guerre, allant jusqu’à qualifier les ukrainiens de « Nazis », « satanistes » et « cannibales ».
Une niche et une manne financière
Nous avons évoqué ces politiciens qui s’étaient spécialisés dans la lutte antisecte, ce qui leur avait permis d’accéder à une niche médiatique et leur avait donné une visibilité qu’ils n’auraient sinon jamais eue. Certains en ont fait une carrière (Georges Fenech, Alain Vivien par exemple) et n’auraient jamais été connus sans cela.
Mais l’argent se cache toujours derrière ce genre d’aberrations sociétales. Les associations antisectes ne vivent que sur l’argent du contribuable. Une association comme l’UNADFI reçoit parfois plus de 90% de son budget de l’État et n’existe que par ce soutien. On parle ici de millions d’euros, pour une petite association pas plus grande qu’un club d’échecs. Il en est de même pour la FECRIS nommée précédemment, ou le Centre Contre les Manipulations Mentales (CCMM) qui se sent tellement investi du pouvoir étatique qu’il prétend dans son dernier rapport d’activités faire des « signalements en application de l’article 40 », un article du Code de procédure pénal dont l’application est réservée aux fonctionnaires et aux autorités constituées.
L’UNADFI a fait l’objet de plusieurs signalements concernant l’utilisation qu’elle faisait de l’argent public.
Ainsi, il existe une collusion évidente entre la Miviludes, qui permet le financement de ces associations parce qu’elles font le « sale boulot » que la Miviludes ne peut pas faire (étant liée par certains devoirs étatiques comme le devoir de neutralité)[9], et les associations antisectes qui sans les millions de l’État ne pourraient survivre et financer leurs emplois. Et évidemment, pour que le cercle vicieux continue de rapporter, il faut qu’il existe des drames médiatiques liés aux sectes, quitte à faire rentrer dans ce terme tout et n’importe quoi, quand l’actualité n’a rien à offrir à propos des nouveaux mouvements religieux habituels.
Conclusion
La politique « antisectes » à la française a permis à de petits groupes d’individus d’ostraciser une partie de la population française qui a le tort de choisir des religions ou des spiritualités différentes et considérées par certains comme « sectaires ». Les militants antisectes, mus par différentes idéologies et financés à coups de millions par l’État, s’en prennent à tout ce qu’ils considèrent comme de la « pensée magique », à tous les mouvements qu’ils n’aiment pas, et à tous ceux qui iraient à l’encontre de leur propre idéologie. Les Témoins de Jéhovah sont une de leurs cibles favorites, alors que le Conseil d’État les a depuis longtemps reconnus comme une authentique religion, et qu’à notre connaissance ils ne se sont rendus coupables d’aucune infraction grave au cours des dernières dizaines d’années en France. Les scientologues sont régulièrement stigmatisés alors que la quasi-totalité des pays qui nous entourent les ont reconnus comme une religion authentique et les acceptent sans difficulté dans le paysage religieux contemporain. Les chrétiens évangéliques sont aussi stigmatisés à outrance par la Miviludes et ses satellites associatifs. Pourtant on entend rarement, voire jamais, la Miviludes et les associations nous parler des dérives pédophiles dans l’Église catholique, ou de DAESH.
Nous avons passé en revue quelques-unes des raisons qui président à notre scepticisme, voire notre attitude critique à l’égard de la Miviludes et des associations antisectes. Encore une fois, il n’est pas question pour nous de prétendre qu’en présence de délits, une quelconque protection devrait être accordée à qui que ce soit. Par contre, nous sommes de fiers défenseurs de la liberté de conscience, et certains d’entre nous pensent, à tort ou à raison, que la France erre parfois sur ce sujet, notamment avec la politique « antisectes » à la française, qui nous l’espérons sera bientôt reléguée à un sujet d’histoire, comme le fut l’inquisition espagnole.
Références:
[1]Le mot secte en grec, équivalent de la « secta » latine, est hairesis (αἵρεσις: option, opinion, secte, parti). Le mot hérésie désignait initialement le choix ou la préférence pour une doctrine, avant de prendre une connotation péjorative que l’Église catholique lui associa : celle de doctrine dissidente, voire égarée. Cela provient de l’idée ethnocentrique fort répandue selon laquelle la doctrine des autres ne peut qu’être aberrante ou « anormale ». Tiré d’un ouvrage du professeur de droit Frédéric Jérôme Pansier.
[2]Collusions avec le Centre Contre les Manipulations Mentales, association antisectes présidée par son épouse, soupçons d’utilisation des fonds publics à des fins douteuses et personnelles, autoritarisme, soutien à la Chine dans sa politique de répression des minorités spirituelles, etc.
[3]Dans Le Figaro du 19 décembre 2006, à propos de la partie du rapport des RG sur les Témoins de Jéhovah : « Or ce document n’est constitué que de quelques lignes laconiques et d’un inventaire des salles de prières en région ».
[4]Revue des Libertés Fondamentales, Juin 2022, publiée par l’Ordre des Avocats du Barreau de Bordeaux.
[5]La Cour Européenne des Droits de l’Homme, dans son jugement Témoins de Jéhovah de Moscou contre la Russie de 2011, avait déjà écrit : « Les tribunaux russes ont également estimé que la communauté requérante avait violé le droit des citoyens à la liberté de conscience en les soumettant à des pressions psychologiques, à des techniques de « contrôle mental » et à une discipline totalitaire. Laissant de côté le fait qu’il n’existe pas de définition généralement acceptée et scientifique de ce qui constitue le « contrôle mental » et qu’aucune définition de ce terme n’a été donnée dans les jugements internes… »
[6] « La violence par de nouvelles religions contemporaines semble également rare. (…) En revanche, il y a eu de nombreux cas dans lesquels des membres de nouveaux groupes religieux ont été la cible d’enlèvements, d’attaques armées et d’actions policières provocatrices. Dans pratiquement tous ces cas, les mouvements ont réagi en engageant des poursuites judiciaires civiles et pénales plutôt que des représailles physiques. »
David G. Bromley, dans New Religious Movements: New Religious Movements and Violence. Bromley est professeur de sociologie à l’Université de Virginie, et l’un des plus grands spécialistes mondiaux des nouveaux mouvements religieux.
[7]https://bitterwinter.org/sectes-miviludes-avoue-ne-pas-disposer-de-donnees-recentes/
[8]https://bitterwinter.org/le-nouveau-rapport-miviludes-mauvaise-methodologie-resultats-peu-fiables/
[9]Établir des listes de sectes, parler de « sectes », se constituer partie civile dans des procès qu’elles perdent la plupart du temps, et dans lesquels souvent il n’est question de sectes que dans une acception ultra large du terme, diffamer, etc.