1972 est indéniablement l’année T. Rex. Le groupe est partout : à la télé, dans les magazines, sur les radios. Leur nouvel album, The Slider, enregistré en France au Chateau d’Hérouville dans le Val d’Oise, pulvérise encore plus les records de vente de son illustre prédécesseur, Electric Warrior.
En décembre, le groupe donne un concert mémorable à l’Empire Pool de Wembley qui sera filmé par Ringo Starr lui-même. Le long métrage résultant, nommé Born To Boogie, est non seulement représentatif de la T. Rex Mania mais donnera également l’occasion à Marc Bolan et Ringo Starr, qui s’entendent comme larrons en foire, d’étaler leur humour complice et leur surréalisme.
Si 1971 et 1972 ont été les années T. Rex, la période où ce groupe incarnait presque le Glam Rock à lui tout seul, 1973 va être l’amorce d’un long déclin. Tout d’abord, David Bowie, avec son approche fraîche et originale du genre, va supplanter de plus en plus Marc Bolan dans le cœur des adolescents. Ensuite, les journalistes musicaux se seront aperçus que le leader de T. Rex, un peu mythomane sur les bords, leur avait raconté un maximum de bobards sur lui-même et sa carrière. Ils l’adoraient et le portaient aux nues, ils vont le détester et ne lui feront plus aucun cadeau désormais.
Mais le problème est peut-être surtout structurel. L’approche originale de T. Rex dans les débuts du Glam Rock était attirante parce que nouvelle mais la formule est devenue usée jusqu’à la corde, à force d’utilisation. Plutôt que d’enregistrer un nouvel album dans cette formule, Tony Visconti conseillera à Marc Bolan de chercher de nouvelles perspectives musicales. Bien sûr, celui-ci ne l’écoutera pas et n’en fera qu’à sa tête.
Jules César disait que le luxe est corrupteur mais le succès et la gloire peuvent l’être tout autant. Après des années de galères financières, Marc Bolan est enfin riche et célèbre. Il se met à la peinture, à la poésie, crée son entreprise musicale et se lance en bref dans plusieurs activités pour lesquelles il n’est pas connu et n’a peut-être pas l’expérience requise. De plus, son ego commence à devenir surdimensionné et les musiciens du groupe, largement responsables également du succès de celui-ci, sont traités comme des employés au salaire fixe, sans tenir compte de leur contribution à la T. Rex Mania. Tony Visconti apprendra par la bouche de l’avocat d’affaire de Bolan que ses droits sur les ventes en tant que producteur vont être diminués. S’il y a bien une personne qui a amené Marc Bolan au firmament, c’est pourtant lui. D’une manière générale, Marc Bolan ne renvoie pas l’ascenseur à ceux à qui il doit tout et l’ambiance de travail va s’en ressentir fortement.
L’album Tanx, pourtant très inspiré par moments, le dernier grand album de T. Rex, sera teinté de toute cette amertume. Le ton général est sombre et on sent que pour le groupe et le producteur, la fête est finie, même si chacun veut toujours y croire et fait de son mieux pour ne pas le montrer.
- T. Rex va se disloquer petit à petit dans les années qui suivent. Marc Bolan décèdera dans un accident de voiture en 1977, idem pour Steve Currie en 1981. Mickey Finn, lui, périra d’une insuffisance rénale en 2003, après avoir tenté pendant plusieurs années de ranimer la flamme T. Rex avec son groupe. Seul Bill Legend continue encore à l’heure actuelle en tant que batteur dans un groupe de musique chrétienne.
L’épopée de T. Rex a donc été très courte (1971-1974) mais elle a jeté définitivement sur le rock une pluie de paillettes et d’étoiles qui a inspiré bien des musiciens. Pendant la T. Rexmania, on surnommait le groupe « les nouveaux Beatles ». La comparaison n’est pas abusive si on regarde le succès et l’omniprésence atteints par eux pendant cette période… Et les rêves éternels qu’ils ont laissés dans les coeurs de leurs fans, rêves improbables si on les resitue dans l’Europe si triste et si conservatrice de l’époque.
William H. Miller
La prochaine fois : un petit nouveau dans le Glam Rock… David Bowie !