J’ai débarqué au Poinçon, ancienne gare de la petite ceinture à Paris devenue un resto vachement chébran, pour y animer mon émission « 2 colonnes à la une » sur radio Delta, la radio qui rayonne entre les oreilles. Je ne compte plus le nombre d’années où je tiens ce foutu micro pour balancer à chaque fois les mêmes conneries. En vérité, je crois que j’aime bien tenir le crachoir.
Pour cette émission, on a reçu la jeune philosophe, Coralie Camilli, qui vient de publier L’art du combat aux éditions PUF. Ça parle des arts martiaux japonais et, pour une fois, on a un objet littéraire qui tient la route sur le sujet. La petite blondinette corse ose même une approche leibnizienne de l’Aïkido. C’est tellement percutant que j’ai eu l’impression de me prendre un mawashi geri de Steven Seagal. Sensei Camilli m’a bien fait cogiter en tout cas, notamment sur une question qui m’obsède depuis longtemps : la vie après la mort chez les guerriers.
Je suis un Jedi ayant livré plusieurs batailles et j’essaye de me perfectionner dans l’art de communiquer avec les morts sans jamais pouvoir atteindre le niveau de Maître Yoda. Quand on consulte la bible jedi datant de 115 av. BY (bataille de Yavin), on trouve un chapitre écrit par le grand maître Fae Coven qui dit que le voyage dans l’au-delà est instantané au moment de mourir et que dès lors, on ne fait plus qu’un avec la Force. Pour les Jedi exclusivement, il existe une vie après la mort sous forme d’êtres lumineux. Maître Coven précise qu’on conserve son identité dans l’au-delà sans jamais pouvoir retourner dans le monde physique. Cependant, Maître Luke Skywalker est parvenu à communiquer avec son père Anakin et affirme que les Jedi passent tous dans la Force quand ils meurent mais demeurent dans le monde physique sous forme de fantômes. Ceci n’étant possible que par une sublimation des cellules organiques d’un corps en un état d’énergie pure. De fait, les Jedi morts peuvent parler avec les vivants. Ils apparaissent de manière fantomatique dans une expression parfaite de ce qu’ils ont été. Ils sont partout dans notre galaxie et s’adressent à ceux avec qui ils sont liés et qui sont capable d’atteindre un certain degré initiatique. Autant dire que cela concerne peu de gens.
L’émission s’est terminée dans la joie et l’ivresse. On a pris une photo pour notre public sur les réseaux sociaux qui préfère le « bashing » à la Lectio Divina. Coralie est partie vers d’autres horizons. Je suis resté bouffer au Poinçon avec mes camarades Beppe, Gilou et Jean-Lo. J’ai commandé un Moscow Mule et un poulpe « al Pastor ». Malgré la qualité gustative de ce plat très simple, j’ai ressenti une impression étrange comme si j’étais en train de manger le général Akbar. Le Poinçon possède des chiottes de toute beauté où l’on peut chier pénard. C’est un luxe suffisamment rare dans les restaurant parisiens pour qu’il soit souligné. Je me suis fait ainsi plaisir avant d’attaquer mon dessert : un strudel aux pommes.
Je me suis bien goinfré. Puis j’ai pris un Uber pour rentrer chez moi en ayant une pensée émue pour Maître Awazu qui a rejoint la Force il y a quelques années. Je me suis concentré, comme le fait Luke Skywalker dans le retour du Jedi, pour parvenir à une communication avec lui. Il ne s’est rien passé. Communiquer avec les esprits ne marche peut-être pas quand on n’a pas suffisamment abusé de la vodka.