Patrice Delbourg, avant tout poète atypique, poursuit un chemin en montagnes russes, qui rend jaloux plus d’un collègue conformiste, plus d’un éditeur accroché à ses options politiques comme la misère au pauvre monde ! Mais qu’on le veuille ou non, sans Patrice Delbourg le paysage de la poésie contemporaine serait triste comme un auteur sans humour et sans « Papous dans la tête » (notre ami est l’un des complices de cette émission débridée et sympathique, sur France Culture).
Dans son dernier livre Solitudes en terrasse que Le Castor Astral vient d’avoir eu la bonne idée de faire paraître (bravo, Jean-Yves Reuzeau, vieux et fidèle compagnon de la première heure), Delbourg en revient à son écriture inspirée, trouée et syncopée, celle de son premier recueil Toboggans (L’Athanor, 1976 !) qui le révéla au grand public. En 227 portraits littéraires étranges et affectifs, l’ami Patrice réussit à nous donner envie de lire ou de relire non seulement Robert Desnos, Blaise Cendrars ou Jacques Prévert mais aussi Georges Perros, Armand Robin, Jacques Prevel, ou Francis Giauque et IIarie Voronca. Son vagabondage poétique est une pleine réussite et explique comment ce grand amoureux de la poésie de la fin du siècle dernier a pu œuvrer avec bonheur avec votre serviteur, chez Seghers, à la collection L’Année poétique (2006, 2007, 2008 et 2009) qu’il serait opportun et utile de reprendre, avec ou sans le « Prof » Bruno Doucey qui était si « désarçonné » devant l’originalité profonde de ses collaborateurs atypiques, en tenue de rue. Non, Patrice Delbourg n’est pas un Joseph Macé-Scaron du journalisme poétique et pédant, plus soucieux de plagiat habile que de journalisme aux allures de propédeutique permanente et ennuyeuse. Delbourg a le génie du croquis poétique, et il donne à ses estaminets de prédilection les dimensions vastes et généreuses du monde entier à boire ! À vrai dire, il est inimitable, il fait partie, comme il l’avoue lui-même entre deux verres, du « club des inconsolables », il siffle « une petite mousse à peine fraiche au Rialto avec un cliquetis de vieille armure florentine « (sic). Il sait aussi « que l’on ne fait jamais que réécrire les livres des autres ».
« Funambule de toutes les douleurs endurées », Patrice Delbourg a appris à ses dépens qu’il s’agit de « ne jamais se présenter en négligé face à la force publique » et plus encore devant les habituels universitaires de la poésie emmerdante comme une tirade de Michel Deguy ou de Jacques Derrida !
À vrai dire, Patrice Delbourg, comme Paul Verlaine en son temps, est « un braconnier du pavé » (sic), « il ne sait plus aujourd’hui quel usage faire de sa carcasse rompue » devant « les façades lépreuses du souvenir » (je le plagie ici, sans vergogne). Il salue Pierre Dac quand il disait : « je préfère le vin d’ici à l’eau de là » et il adresse un « brandy d’honneur » en avouant à la ronde : « Je me suis bien amusé – la comédie est finie patron fermez-lui les yeux » (cf. p. 257). Et c’est pour tout cela, que Patrice en terrasse ne saurait passer incognito, surtout pour ses camarades dont nous faisons partie.