En ce début du vingt-et-unième siècle, le poète est toujours considéré comme un imbécile, surtout quand il affiche volontairement sa vocation de poète bousculeur auprès de ses frères et sœurs d’une même obédience plus ou moins initiatique (et je ne pense pas ici exclusivement à cette franc-maçonnerie d’un autre âge qui explose en cette période d’avant-guerre en dizaine de succursales plus ou moins sectaires et dirigées par des gourous).
La poésie n’a pas de rituel
La poésie n’a pas de Rituel à apprendre par cœur, elle combat les Hauts Grades aristocratiques et sait d’intuition que, dans la vie courante, seule la propédeutique des loges bleues (Apprenti, Compagnon, Maître) peut aboutir à un changement d’âme véritable d’un pays qui admire aujourd’hui encore Victor Hugo, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire ou Louis Aragon. La poésie qui compte, bouscule, fait rêver, secoue la paresse des foules, jusqu’au bout de l’espérance revenue. Elle se situe à l’opposé de la mondanité bourgeoise, du Sacré galvaudé, de la passivité béate d’une société soumise qui cherche à servir Mammon pour remplir sa propre gamelle, sous couvert d’un altruisme universel au faux nez. Nous sommes tous des insectes fous, insurgés pour la peau des étoiles! Quand j’ai baptisé mon dernier recueil de poèmes 1. – TOUT EST DIT? – j’ai voulu mettre en poèmes révoltés toute ma rage libertaire. J’ai interrogé dans les yeux plus de quarante ans de présence poétique au cœur de ma vie aventureuse.
Ne jamais me trahir
J’ai voulu ne trahir personne et surtout pas ce jeune homme de vingt ans qui mettait déjà LE CIEL EN CAGE et constatait, avec colère et imprudence, «On passe son temps à chercher ce qui ne se trouve pas et l’on perd son temps à trouver ce qu’on ne cherche pas». Aujourd’hui plus que jamais, je souhaite «mourir comme un été à bout de souffle». Je n’ai de déférence pour si peu quel que soit le décor de mon tablier d’éternel roturier. Certes, comme mon TCF Patrice, je rêve de descendre en lignes directes des derniers Templiers, pour leur amour de rédemption de toutes les prières d’acceptation et surtout pas pour leur allure de militaire aux ordres de je ne sais quel Grand Maître dévalué… J’ai passé l’âge des reptations faciles. Des soumissions lâches. Je souhaite des milliers de Soleils revenus dans ma cathédrale intérieure, et la peur de mourir me fait rire quand la camarde terrorise les cons et qu’ils tremblent devant le regard du poète inguérissable qui a pardonné depuis longtemps à tous les violeurs de la Beauté, de la Sagesse et de la Force. Je ne suis pas «sortable». Mes degrés et mes grades vous «emmerdent». Ma quête du Graal s’effectue en blues-jeans. Le bleu, je veux le bleu. Avec entêtement. Les pas de côté me font rire.
1. Tout est dit? (Collection Ivoire, Le Nouvel Athanor, 2020), 15 €