Il y a quelques années, l’auteur à peine âgé de 40 ans, rejette le stress du monde moderne : « Partout, il y avait trop de bruit, trop de discours. Un jour, j’en ai eu marre de cette frénésie et je suis parti. Certains vont chercher le bonheur en Alaska ou en Sibérie, moi je suis un aventurier de la France cantonale : je lorgne du côté d’Aubusson, du puy Mary et du plateau de Millevaches… ». Cette plongée au cœur de la France rurale s’inscrit dans une perspective spirituelle car l’auteur veut devenir jésuite. Selon la règle, il doit commencer son noviciat par une figure imposée : parcourir 700 kilomètres à pied, sans argent, sans nourriture, avec le strict minimum d’effets personnels, sans portable, sans GPS, accompagné d’un autre jésuite qu’il ne connait pas. Il sait qu’en Auvergne, entre Angoulême à l’abbaye Notre-Dame-des-neiges en Ardèche, il trouvera les ressources pour échapper le mieux à l’agitation qu’il souhaite fuir, entrelaçant ses pas dans ceux des vaches qui empruntent les chemins des estives pour rejoindre les pâturages où elles vont disposer de tout ce qu’il faut pour croitre.
Il raconte l’Auvergne, ses rugueuses montagnes rasées par les vents, ses forêts sombres, ses chemins désertiques sinuant entre les volcans endormis, longeant de rares ruisseaux… Mais il faut aussi se nourrir et se loger. Au hasard des rencontres. Certaines très chaleureuses, assurant un gîte et un couvert rassérénant, d’autres plus arides, dissimulant mal une incapacité à partager et à accueillir. Chacune des rencontres confirme que la générosité n’est pas liée à l’avoir, qu’elle peut prendre des formes inattendues et susciter des émotions indicibles. Au-delà des déconvenues et des péripéties matérielles qui ne manquent pas de perturber l’avancée des randonneurs, le futur jésuite s’emplit de la beauté qui l’entoure, il se nourrit du spectacle d’une nature foisonnante qu’il découvre grâce au viatique de la marche et de sa relative solitude. Ce voyage littéraire s’accompagne d’une déambulation spirituelle à peine évoquée, qui transforme la lecture de cette ode à la désertion, à la liberté et à l’aventure, en promenade à la rencontre de soi-même.
Patrick Boccard