Enquête sur la noblesse, de Éric Mension-Rigau, Editions Perrin, 2019, 396 p., 24 €
C’est sans doute en songeant au prince Piotr Alekseïevitch Kropotkine (1842-1921), cet « anarcho-communisme » issu de la haute noblesse moscovite, et à l’anarchiste Michel Bakounine (1814-1878), également d’origine noble, que nous pensons utile et logique et opportun de saluer cet essai historique d’Éric Mension-Rigau qui vient de paraître. D’autant qu’il s’agit d’un excellent livre ! Avec les signes d’un humour perspicace toutes les deux ou trois pages, l’auteur sait que « la noblesse a toujours fait rêver d’une manière ou d’une autre » (sic).
En connaissance de cause et de sang, il constate que « les princes et les princesses peuplent encore les fictions enfantines » et que « les médias enregistrent des records d’audience à chaque mariage dans une famille royale » ! Il n’oublie pas, non plus, de souligner que, bien souvent, le souci de certains bourgeois est de montrer par ses manières qu’il en est. C’est à partir de cette vérité de la société d’aujourd’hui que l’essai est conçu. Il développe ainsi le mythe d’une élite invisible. En fait, l’auteur consulte, avec la précision d’un fin limier, les « archives nobiliaires ». Cela ne l’empêche point de redire que la noblesse, en 2019, est formée de « bâtisseurs de la fidélité ».
En bon professeur d’histoire à la Sorbonne, Mension-Rigau nous brosse le tableau et nous explique le rôle joué par la noblesse, par rapport au Tiers-État et au clergé (rappelez-vous vos cours sur les Trois ordres !), surtout pendant les guerres de religions, et les grandes périodes révolutionnaires de notre tumultueuse Histoire de France. On se prend au jeu. Grâce à l’habileté malicieuse de l’écrivain normalien, l’Ancien Régime est de retour et la « fausse noblesse », la « noblesse d’apparence » vole sans peur la particule !
Éric Mension-Rigau aurait inventé l’A.N.F (Association de la Noblesse Française), s’il avait fallu ! Il sait faire revivre le château et la noble Tradition qui se situent à l’opposé de tout intégrisme borné. Il ne s’attarde pas sur le « Bottin Mondain » et c’est tant mieux ! Il semble ne pas confondre noblesse d’esprit et noblesse de robes trop froufroutantes. Au fil des pages d’une analyse sociologique méticuleuse, il remonte le temps et sa diversité avec talent. Il fait preuve d’une créativité joyeuse et réussit un ouvrage pertinent sur « la permanence aristocratique » dans l’Histoire.
Jean-Luc Maxence