Nous sommes tous et chacun des galériens de la vie ordinaire. Forçats souffrant et aspirant à une impossible indépendance, nous sommes entourés de surveillants brutaux dans un environnement rappelant le régime établi en Italie de 1922 à 1945, instauré par Benito Mussolini et enraciné sur la dictature d’un parti unique, l’exaltation nationaliste et un corporatisme galopant. En territoire fasciste, toute autorité manifeste une autorité dictatoriale et violente. Heil Hitler ! Heil Mao ! Vive Trump !
Soyons clairs : toutes les idéologies planétaires qui prônent et imposent en ce début du vingt- et-unième siècle malade, le fascisme ou ses succédanés, déshumanisent l’homme. Et l’on retrouve les traces du fascisme et de ses zélotes à chaque fois qu’un militant veut imposer par la force ses idées, ses points de vue, ses méthodes, sa force d’oppression physique ou morale. On peut ainsi démasquer sans avoir fait Sciences Po ou l’E.N.A ou même la Légion Étrangère ou une psychanalyse lacanienne ou subi une soudaine conversion religieuse, de la dangereuse graine de fasciste dans un gouvernement, pire qu’un cancer tueur.
Ce vieux complice en poésie de Matthieu Baumier, quand il dénonce avec talent et un air faussement innocent les ruines « libérales libertaires » de notre régime français « macronné » (1.) nous met en garde contre la doxa unique et son caractère trop souvent sectaire. Pour reprendre ses images, disons que l’OPA du « DRH » sur l’État démocratique a, lui aussi, des inspirations et des aspirations fascistes dans le sens stricto sensu du terme ! Baumier n’est pas un imbécile. C’est un poète (2.) qui sait entendre les gilets jaunes et bouseux avec le souci constant d’élever le niveau d’intelligence du débat politique et de ne pas le remettre au rang d’une tranche de jambon !
Un heureux constat rassure et s’impose en 2019 : il ne suffit plus de traiter de fasciste son voisin pour qu’il le soit, ou ne le soit pas ! L’incorrect issu de la Droite névrosée, révoltée et comploteuse et notre Rebelle(s) issu de la gauche nouvelle et surtout pas socialisante et myope, ou à la mode François Hollande, sonnent juste et ensemble assez souvent. L’insurrection de l’intelligence dépasse les « multiples maisons » de la droite ou même de la gauche. Elle peut signer de concert Philippe de Guillebon, Matthieu Baumier, Éric Desordre, Frédéric Vincent ou Martine Konorski, ou même votre serviteur quand il combat la doxa des blablateurs de Panurge.
Au temps des « gilets jaunes », les « manifs » s’abonnent tous les samedis soirs. Elles osent la diversité des sources et l’unité des impostures à combattre en politique. Les cartes de Parti (Rassembleuses ou insoumises, les cartes !) se ressemblent parfois quand leurs militants donnent un même coup de gueule contre nos gouvernants imbus d’eux-mêmes et de leurs comptes en banque, et qui marchent tous ensemble comme ces robots bernanosiens depuis si longtemps annoncés. La politique devient un sphinx difficile à comprendre dans toutes ses nuances, au premier coup d’œil, même sur TF1 ou France 2, ou B.F.M TV ! La Presse écrite prend la même allure. Tous les chemins ne mènent plus à Rome (trop de pédérastes cachés sous les soutanes, mon bon François !) ou au Ramadan (trop de Daech sous le manteau de Mahomet et les sourates du Coran !)…
Et cette ambiguïté générale du temps présent nous force à tout revoir. Et c’est tant mieux pour la liberté retrouvée en vue d’une égalité qui passe soudain par l’espérance folle d’une fraternité de destin. Peut-être faudrait-il inventer, au delà des polémiques des historiens, rationalistes ou mystiques exacerbés, un sens profond derrière les couleurs de notre drapeau national ? Il n’empêche : comment oublier que le bleu et le rouge furent les couleurs des Révolutionnaires de notre Histoire, et le blanc, celui de la monarchie qui rêve encore poétiquement de les relier par l’ouverture du cœur.
Jean-Luc Maxence
1. Matthieu Baumier, Voyage au bout des ruines libérales libertaires, (Pierre-Guillaume de Roux, 2018), 17,00 €
2. Matthieu Baumier, Le silence des pierres, Préface de Françoise Bonardel, (Le nouvel Athanor, 2013), 15,00 €