A quelques mois d’intervalle, la correspondance de deux figures proéminentes de la vie intellectuelle du 20ème siècle a été publiée : celle de François Mitterrand et celle d’Albert Camus avec leur « muse » secrète respective.
Peu de points communs réunissent ces deux auteurs, sauf que leurs ouvrages permettent, en cheminant au long de la double vie sentimentale de l’un et de l’autre, de découvrir un aspect surprenant de leur travail d’écrivain. En donnant à partager leur aventure amoureuse, ils révèlent des personnalités inattendues.
On pouvait en effet anticiper du politique amoureux de littérature, un échange épistolaire avec la chercheuse Anne Pingeot consacré aux diverses itinérances qui l’ont conduit de la modeste position d’élu local à la magistrature suprême. On pouvait également attendre de l’écrivain philosophe, amoureux de « la vie de la Cité », un échange épistolaire avec la comédienne Maria Casarès consacré aux multiples circonvolutions de la pensée et de la création. Et c’est l’inverse qui advient ! Mitterrand se promène de par le monde, attentif aux paysages et habitus de la Nièvre à Cognac, de Jérusalem à New York. Camus s’inquiète sans cesse de l’emploi du temps de son amoureuse et de la prochaine lettre ou rencontre qui les réunira.
D’un côté une ouverture heureuse sur la vie, de l’autre un repli anxieux sur le moi. Les deux auteurs se maintiendront d’ailleurs dans ces registres respectifs jusque dans leur manière de mourir.
Patrick Boccard