Jean-Marie Berthier que nous avons eu la joie d’éditer au Nouvel Athanor (1) est un poète français né le 25 juin 1940 et mort le 8 août 2017, d’un accident d’automobile, en Tarentaise. Clément Rosset, lui, est un philosophe également français, né le 12 octobre 1939 à Carteret dans la Manche, et décédé le 27 mars 2018 à Paris. La vision de Rosset est « tragique » dans un sens donné par Nietzsche à cet adjectif. « Être heureux, c’est être heureux malgré tout »…
Jean-Marie Berthier, d’abord chrétien habité d’espérance, a accompli toute sa vie une quête spirituelle ininterrompue, et avoua souvent « continuer malgré tout ». De même le philosophe Clément Rosset savait que le pessimisme l’emporte toujours, que le pire « est la seule chose certaine », et que l’intuition même de l’absurde chère à Schopenhauer rend toute philosophie tragique (c’est d’ailleurs le titre de son premier essai paru au P.U.F, Presses Universitaire de France, en 1960 déjà).
Berthier est le complément de Rosset
L’écriture et la pensée désabusées de Jean-Marie Berthier bénéficient d’une grande maîtrise. On devine vite comme il a pu passer d’un christianisme reconnaissant à une appréhension à la Sartre de l’Absurde, un peu comme le philosophe Clément Rosset d’une éthique influencée par Spinoza et Gilles Deleuze, et même Henri Bergson, à la fine pointe de l’intuition d’un Jacques Lacan.
On peut presque avancer que la poésie de Jean-Marie Berthier fait écho subtilement avec la logique du pire (2) de Rosset, laquelle participe d’une ontologie du Réel. Foucault, Deleuze, Blanchot et même Bataille, avec Rosset, font partie intégrante des philosophes français des années 1970. On ne saurait être étonné de constater que la génération de Berthier est celle de Rosset. Parfois, et c’est assez rare pour être signalé ici, poète et philosophe se répondent avec les mots du jour et de la nuit. Ils deviennent « prétexte de la nuit noire » et portent alors « tous les soleils à l’épaule » ainsi que le chante le poète.
Jean-Luc Maxence
(1). Jean-Marie Berthier, Portrait, bibliographie, anthologie (Éditions
Le Nouvel Athanor, coll. « Poètes trop effacés », 2011, 113 p., 15 €)
(2). Clément Rosset, Loin de moi : étude sur l’identité (Éditions de Minuit, 2001).