Alors que le grand écrivain Aharon Appelfeld vient de disparaître, les éditions de l’Olivier, qui publient toute son œuvre, viennent de publier, à titre posthume, Des Jours d’une stupéfiante clarté, dans une traduction de Valerie Zenatti. Depuis la parution en 2004, d’Histoire d’une vie (prix Médicis étranger), c’est une quarantaine de livres que le discret petit homme à la casquette a publié, avant de s’éteindre.
Avec cette dernière parution, l’auteur, que son ami Philip Roth comparait à Franz Kafka et à Bruno Schultz, signe un magnifique et prodigieux récit, celui d’une résurrection, comme il est écrit en 4e de couverture. Une fois encore c’est dans l’univers de l’errance sur les routes que nous plongera Appelfeld. Celle du voyage particulier de Théo Kornfeld, 20 ans, lorsqu’il quitte le camp de concentration abandonné par ses gardiens, à l‘approche des Russes. Théo se lance alors sur les chemins de l’Europe centrale, avec pour seul but de retrouver la maison familiale. Son errance rencontrera celle de nombreux autres déportés, blessés et détruits au plus profond d’eux-mêmes, autant de rappels du génocide, de l’horreur absolue à laquelle ils ont survécu.
Autant de rencontres qui font ressurgir chez le jeune homme des figures du passé et notamment celle de sa mère adorée, l’originale, Yetti envoûtée par les monastères et la musique, et qui lui disait : « des ailes mon chéri, il nous faut des ailes. Sinon nous piétinons comme des poules. Seul Bach peut nous élever », celle de Martin aussi, son père libraire passionné, qu’il va redécouvrir grâce à ce qu’il apprendra de lui par Madeleine ; une rencontre incongrue. Théo nourrira Madeleine avec de la bouillie de gruau pour lui redonner quelques forces et la transportera dans une brouette pendant des kilomètres, pour trouver un médecin et la sauver.
Rien à ajouter à ce qui est écrit pour présenter ce livre bouleversant : « chaque rencontre suscite en Théo d’innombrables questions. Comment vivre après la catastrophe ? Comment concilier passé et présent, solitude et solidarité ? Comment retrouver sa part d’humanité ? » « … Et malgré la mort cruelle qui a voulu nous arracher nos parents et nos grands-parents, nous continuerons de vivre avec eux. Nous avons abattu la séparation entre la vie et la mort. Tous ceux qui nous sont chers seront avec nous en ce monde et dans le monde à venir »… À lire de toute urgence.
Martine Konorski