La dictature de l’actualité nous conduit souvent à nous forger une vision réductrice des faits et des situations et nous enferme fréquemment dans une perception binaire de la réalité. D’autant plus lorsqu’elle s’exprime au travers d’événements qui déterminent l’avenir de peuples et de cultures et, par rebond, portent atteinte à la paix dans le monde. Ainsi de la manière dont il est rendu compte de la situation en Syrie, à la une de la planète médiatique mondiale depuis de longs mois. Même si l’histoire ne repasse pas les plats, il est frappant de constater que les experts et commentateurs de tous poils font preuve au mieux d’une mémoire courte, au pire d’une connaissance incomplète du long chemin chaotique qui a ponctué l’histoire de ce pays. Sans remonter aux temps des Croisades, le simple recul de quelques décennies permet d’éclairer les affrontements et jeux politiques qui ruinent la région – et une partie du patrimoine culturel de l’humanité -, d’un faisceau plus complexe que celui que donne à voir l’avalanche d’images succinctes et spectaculaires déversées par les chaînes de télévision. A titre d’exemple, la lecture du premier reportage de Joseph KESSEL, en Syrie, en 1926, nous apporte une analyse convaincante sur le « pourquoi on se bat et qui s’y bat » et sur le comment y « poussent avec une force ardente les croyances et les hérésies ». Réalisée en quelques semaines au temps du « Mandat » français, cette enquête garde une surprenante actualité, y compris dans sa conclusion qui suggère que « dans un pays qui devrait être florissant et que l’état de guerre entretient dans le marasme, (…) mieux vaut abandonner la partie que de s’user à la jouer mal ». Comme quoi le journalisme peut contribuer à faire comprendre, pour peu qu’il ne se contente pas de réagir aux seuls « poids des mots et choc des photos ».