« Les fils des vaincus, puissants à leur tour, Aux fils des vainqueurs commanderont un jour » Virgile, Enéide
Cette phrase, Jupiter la dit à Vénus, mère d’Enée (le Luke Skywalker romain), qu’il voit inquiète des mésaventures qui accablent son fils. Elle nous rappelle que chaque époque a ses phénomènes majeurs et mineurs, mais qu’aux époques suivantes il se peut que les formes qui jusqu’alors ne s’exprimaient plus qu’en sourdine resurgissent avec force.
Le Royaume-Uni s’est alarmé à l’occasion d’un récent recensement, lorsqu’il fut constaté que plusieurs dizaines de milliers de sujets de sa Gracieuse Majesté avaient, à la question de l’affiliation religieuse, répondu : « Jedi ». L’administration n’eut d’autre choix que de prendre en compte la dénomination tirée de la Guerre des Étoiles – certains crurent même alors, hâtivement, la nouvelle religion officiellement « reconnue ».
Quoi qu’il en soit, l’ironie était splendide de voir réapparaître, en terre protestante, la revendication d’appartenance à un ordre guerrier et mystique évoquant furieusement le monachisme médiéval !
Les athéistes se désoleront que revienne le religieux sous les traits de cette mascarade puérile ; les monothéistes prendront de haut une secte de fidèles armés de sabres lasers ; les sociologues pointeront l’aliénation par une industrie du divertissement qui
s’y entend ad captandum vulgus.
Comme disait Léon Bloy, « le langage du bourgeois se limite à un très petit nombre de formules », partout et de tous temps, et l’on trouvera bien des raisons de repousser le phénomène avec mépris, croyant en avoir tout dit.
[RETROUVEZ LA SUITE DE L’ARTICLE DANS LA VERSION PAPIER N°1]
Par Clément Bosqué