Une nouvelle mode semble envahir le monde audiovisuel: celle d’être devenu(s) «nostal’geeks». On ne compte plus les resucées plus ou moins réussies de séries ou de films mythiques des années 80/90, remis au goût du jour par des «remakes», des «prequels» ou des «sequels» (comprenez des «refaites», des «préquelles» et des «suites».) Pourquoi assiste-t-on à ce phénomène souvent originaire des États-Unis? Au travers de quelques exemples passés, présents ou à venir, Rebelle(s) dresse un portrait de cette tendance.
La saga Star Wars
La saga Star Wars fait partie de ces «revivals» d’anciens mythes ayant connu un énorme succès. La série de films, créée par George Lucas, est le prototype même de l’équation nostalgie = appât du gain. Le premier film est sorti en 1977, et à l’époque, personne n’aurait pu prévoir un tel engouement, pour ce «space opéra» à sabres lasers.
Et pourtant, les aventures de Luke Skywalker connaîtront trois volets, toutes plus couronnées de succès les unes que les autres, jusqu’en 1983. Puis viendra l’heure du grand vide, son créateur,
George Lucas, ne souhaitant plus poursuivre sa saga, par crainte sans doute d’être catalogué définitivement comme «bon à ne faire que ça». Les fans réclamèrent désespérément le retour de ses héros légendaires, les Yoda, Chewbacca, Han Solo, Léïa et autres Luke. Mais plutôt que d’en faire une suite, Lucas choisit de créer un «prequel»: une série de trois autres films, qui précèdèrent donc les films des années 80.
C’est ainsi que la nostalgie des fans appelle un renouveau économique: et ces trois films, de 1999 à 2005, verront bien le jour. Les fans seront pour la plupart assez déçus, les qualités visuelles et
scénaristiques de ces trois opus étant moins appréciées que le côté pourtant «kitsch», et moins coûteux, des trois premiers. George Lucas revendit par la suite les droits de sa
«créature» à Disney… et c’est ainsi que sort cette fois-ci, la suite de la saga.
Le grand retour des héros
La société désire des héros, et faute de religiosité, de croyance, elle se rabat sur des mythes modernes, des grandes épopées, créatrices de valeurs morales (ex: les jedis) là où le système économique n’en génère plus. Lorsque la dimension du rêve, de l’onirique, s’y rajoute, alors la recette marche souvent. Et Star Wars n’est que la partie émergée de l’iceberg: venant des États-Unis, on ne compte plus les renaissances d’univers jusque-là laissées à l’imagination des fans.
Parenthèse: lorsqu’un mythe s’éteint, les fans fictions s’éveillent; sur internet, on trouve de nombreux écrits gratuits, poursuivant les sagas arrêtées, parfois même mieux rédigés, conçus ou imaginés que les auteurs originels n’avaient pu le faire.
Des suites en série
Lorsque «Psychose», le film d’Hitchcock, voit le jour, qui aurait pu se représenter qu’il y aurait à la fois un remake, plusieurs décennies plus tard, puis une série, Bates Motel, qui constituerait un prequel, c’est-à-dire l’époque où le tueur Norman Bates, adolescent, vivait avec sa mère? Même Hitchcock ne l’aurait pas imaginé. La saga «Terminator», initiée par James Cameron, ne se contente pas de se poursuivre par le biais de suites, mais surfant sur l’idée de la boucle spatiotemporelle, elle donne lieu à un remake du film original, dans lequel deux univers se croisent; le présent et le passé de la saga. Mad Max, la saga d’anticipation cauchemardesque des années 1980, où le futur voit le pétrole disparaître, et la sauvagerie l’emporter, connaît également de nombreuses suites.
Même le dessin animé japonais Dragon Ball, reprenant le mythe du singe Son Goku, très célèbre au Japon, connaît à présent la suite de sa suite, Dragon Ball Z, qui avait été publiée en manga puis réalisée en dessin animé dans les années 1990. Il s’agit d’un dessin animé en cours de diffusion, Dragon Ball Super, qui poursuit l’œuvre mythique d’Akira Toriyama. Ici, l’œuvre est très réussie: Toriyama semble avoir retrouvé son esprit malin et sa verve d’antan.
Enfin, deux séries télévisées célèbres dans le monde entier ont attisé l’impatience des fans, puisqu’inachevées dans les années 1990. Il s’agit de Twin Peaks, de David Lynch et Mark Frost, et d’X-Files, de Chris Carter. Ces deux ovnis audiovisuels, qui ont révolutionné le monde des séries télévisées il y a vingt cinq ans, effectuaient ces dernières années un retour fracassant. La nostalgie est devenue un business, et les fans risquent de se perdre face à tant de resucées. Malgré tout, à chaque nouvelle renaissance, passé présent et avenir se confondent, et les spectateurs retrouvent avec bonheur la saveur du temps perdu proustien. Dès lors, il ne leur reste plus qu’à déguster leur Madeleine…
Christophe Diard et Fanny Durousseau