1968 est une année agitée. Les manifestations contre la guerre du Vietnam en Amérique mènent à des affrontements de plus en plus violents entre les manifestants et la police. Pendant plusieurs jours au mois de mai, Paris vit au rythme de l’insurrection, ce qui ébranle profondément le gouvernement.
Au milieu de tout ce chaos, les Rolling Stones enregistrent ce qui restera un de leurs plus grands albums, Beggar’s Banquet. Pour deux morceaux, Jumpin’ Jack Flash et Street Fighting Man, le guitariste Keith Richards emploie une technique d’enregistrement inédite. Il enregistre une guitare acoustique par le biais du micro d’un des premiers magnétophones à cassettes que Phillips vient de sortir. Le son volontairement saturé qui en sort est ensuite repassé dans un baffle puis dirigé vers la console de mixage et enregistré tel quel.
De fait, les premiers accords sont percutants à l’extrême, pour l’époque, et Keith semble faire dérouler son riff comme Che Guevara ses mots : un appel à l’insurrection ! Pendant ce temps, Charlie Watts, jouant sur un mini kit de batterie de voyage, ponctue de manière vraiment étrange, presque à contre-temps, le rythme irrésistible généré par son ami guitariste. Nicky Hopkins habillera magnifiquement de son piano divers passages de la chanson et Brian Jones ajoutera sur le pont du sitar et du tambura, renforçant encore son aspect étrange et original.
La chanson est sans ambiguïté et deviendra un hymne pour tous les manifestants du monde entier. Elle sera, ça va de soi, interdite sur pas mal de radios.
Mais il était hors de question qu’elle devienne une simple chanson militante, ce n’est pas le genre des Stones et Mick Jagger va apporter dans ses paroles la petite touche finale qui fait les chefs d’oeuvres, comme lui seul sait le faire. Outre des couplets terriblement fédérateurs, comme il se doit, certains vers, par ci par là, montrent la naïveté qu’il y a croire que l’insurrection solutionne tout et les refrains recadrent les Stones dans leur véritable rébellion : le Rock ‘n’ Roll.
Finalement, Street Fighing Man réussit à être à la fois une ode exaltée à l’insurrection, un regard lucide sur ses limites et une auto-reconnaissance de la génération des Stones, “ceux qui ont bien mal grandi”, disent les parents.
Comment font-ils pour harmoniser trois messages aussi différents dans une seule chanson ? Peu importe… Ils le font et cela seul compte.
William H. Miller
La version originale :
Quelques versions live choisies, le morceau faisant partie de tous les concerts des Stones depuis :