À quoi aura servi Roselyne Bachelot, Ministre de la Culture? On peut se le demander depuis qu’en 2020, le «Marché de la poésie» de la Place Saint Sulpice avait été décalé de juin à fin octobre, puis annulé complètement, sans remords « macroniens », pour cause de pandémie au Covid-19 ! Et pourtant, en dépit du viol de toutes les mesures sanitaires les plus élémentaires s’était tenue une «foire commerciale» (« Les galeristes ») au Carreau du Temple… Y aurait-il eu deux poids deux mesures en Macronie ? Ainsi, l’on avait cyniquement garanti à l’équipe dirigeante du populaire marché, après cette suppression annuelle inattendue (pourtant la Place Saint Sulpice n’est -contrairement au Carreau du Temple- pas un lieu clos !) une baisse de subvention pour l’année suivante… De qui se moque-t-on de la sorte ? Il est sans doute plus facile, pour la gloriole politique de nos oligarques, de transférer les cendres de Rimbaud et de Verlaine au Panthéon sous la houlette de l’impénétrable Jean-Luc Barré !
Sous Macron 1er, la poésie est bien malade et tout le monde s’en fout. Nous ne le dirons jamais assez : pour certains mondialistes naïfs de l’édition française, il suffit de provenir de l’Orient pour être jugé génial par notre « gauche-caviar » ! En effet, jusqu’à la décapitation de Samuel Paty, on jugeait que tout auteur islamo-gauchiste méritait la Une des petites revues de cénacle présentées comme des paquets de Prisunic pour la satisfaction des imbéciles fanatiques de bleuets insipides. Pour sûr, le décès en 2020 de l’ami Pierre Oster (1), poète lyrique et inspiré et libre de la trempe spirituelle de Paul Claudel ou de Jean Grosjean, suscitera moins de commentaires que n’en accoucheront les croque-morts et autres encenseurs habiles de la muse pompière et sans épaule ! Il est vrai que celle-ci se pavane encore au Pen-Club de la mode volage ou du côté du Prix X de l’ennui universitaire sans inspiration, quand quelques dauphins jouent sans talent les Pierre Oster, justement !
Je tiens à mettre fin à toute équivoque possible : en domaine de poésie, je ne suis pape de personne et mon stylographe n’est pas admirateur inconditionnel du numérique. Ma longue vie durant, j’ai cherché les poètes qui étaient en train de changer les yeux du monde. Je les ai parfois édités, en risquant de manière continue la faillite des bilans et des librairies antiques et poussiéreuses. Je n’ai jamais joué les martyrs humanistes de deux sous. Éperdument amoureux de la poésie, j’ai ouvert des sentiers pour l’Espérance, et j’ai mis dans mes chants autant de louanges au Sacré que de désespoir face aux routines quotidiennes. La poésie qui promet la lune ne m’a pas transformé en astronaute inédit, crieur de Paix pour les étoiles insondables de la Vérité transcendantale. Oui, j’avoue : Si j’ai travaillé comme éditeur avec Pierre-Jean Oswald, Bruno Durocher, et même Michel et Jean et Alain Breton, c’est, comme l’écrivit un jour Michel Merlen, «pour la peau des étoiles» (sic).
Oui, je l’avoue : Yves Bonnefoy m’emmerde autant que Lamartine ou Musset parfois. Le surréalisme me fait encore bâiller à force de trouvailles qui n’ont pas la saveur de celles de mon TCF (Très Cher Frère) Pierre Dac. Aragon me fait bander de mémoire libertaire quand je repense au gosse que j’étais au Club des poètes de Jean-Pierre Rosnay. Et même Philippe Jaccottet m’envoie gracieusement un texte, jusqu’à la fin de mes jours, pour cette anthologie «mystique» parue aux Presses de la Renaissance grâce à feu Alain Noël. Honteusement, Gallimard me réclamait 1000 € pour avoir le droit d’éditer 3 lignes de Jaccottet alors que celui-ci m’envoya gratuitement un inédit « pour éviter que Gallimard ne vous fasse trop payer ! ». Je n’ai rien à ajouter que ne soit dit à voix basse dans les milieux dits «littéraires». Mes silences sont des orgueils. Je n’ai jamais prémédité mes embrasements ni mes états d’âme.
(1). Lire PIERRE OSTER, Paysage du Tout (1951-2000), Préface d’Henri Mitterand (NRF, Poésie/Gallimard), 2000