C’est donc sous le label Pierre-Guillaume de Roux que le dernier ouvrage en date d’Olivier Germain- Thomas vient de paraître. Sous le titre ambigu (et d’emblée polémique ?) de La brocante de Mai 68 et ouvertures. À cette occasion, j’ai tenu à dialoguer avec l’auteur qui vient de réussir un ouvrage alerte, nerveux et lucide, toujours passionnant, sur ses souvenirs de Mai 1968. Jadis, l’écrivain et homme de radio m’avait interrogé deux fois dans le cadre de son ancienne et mythique émission FOR INTÉRIEUR, sur France Culture. Par timidité revendiquée, j’ai préféré ne pas l’enregistrer et ne livrer aux lecteurs de R.B.L que ce que je crois être la « substantifique moelle » de notre entretien libre et amical. D’entrée, Olivier Germain-Thomas justifie son titre : « J’ai choisi brocante parce qu’il sous-entend une idée de vieilleries attirantes exposées au grand vent de la mémoire », au temps des trotskistes avides de pouvoir, des « Mao » qui devaient devenir les pires faiseurs des pires goulags, des katangais menaçants. Mais il y a parfois de belles trouvailles dans les brocantes. On est en droit aujourd’hui de se demander quelles ouvertures restent encore praticables, un demi-siècle après 68. Avec sagesse et subtilité, Olivier Germain-Thomas répond. Je lui rappelle alors un article justement élogieux du chroniqueur Gérard Leclerc paru dans les colonnes de la revue ROYALISTE (de l’ex-candidat à la Présidentielle Bertrand Renouvin). Le très (trop ?) catholique Leclerc évoque notamment les rôles de Maurice Clavel, qui n’était pourtant pas à l’immense « manif » des Champs-Elysées, à André Malraux, défilant sur la plus grande avenue du monde pour défendre de Gaulle. Dans son article, il revient aussi sur la figure d’Olivier Germain-Thomas à cette époque qui se caractérisait par une foi enthousiaste, celle des « anciens de la France Libre ». En fait, l’intéressé me précise avoir apprécié, au début, les slogans de 68 pour leur poésie… « Sous les pavés, la plage ». « Soyez réalistes, demandez l’impossible… »
Dans le réel, le Général de Gaulle, m’explique le fondateur du journal L’APPEL, a toujours essayé de répondre à la jeunesse révoltée des barricades. Ensuite, il revient sur la journée du 29 mai 1968, quand il était personnellement à la tribune du grand amphithéâtre de la Sorbonne et qu’il osa dire en substance : « Si nous sommes bien d’accord : il y a une révolution à faire, son contenu est une ambiguïté permanente. Regardons le monde tel qu’il est dans sa vérité nue. Seule une analyse de la situation mondiale pourra nous per- mettre de signer les priorités, là d’où le pou- voir aliénant opère. Cette révolution contre l’argent, contre l’internationale capitaliste et son agent monétaire, le dollar, pour la libération des peuples opprimés, comme cela a été fait à Phnom-Penh et Montréal… Cette révolution nous la ferons avec De Gaulle ! ». En fait, l’idée majeure du beau livre La brocante de mai 68 1 tourne autour de cette idée : c’est peut-être le Général qui aurait pu le mieux répondre à l’élan parfois « mimétique » (à la René Girard ?) de 68. Il faut noter peut-être une sorte de rendez-vous manqué, et manqué à jamais. Pour mon interlocuteur, le Général était parfois en décalage complet avec les lentes évolutions de la jeunesse 68, surtout sur le plan de l’évolution de la sexualité. Une réflexion s’impose à moi : dans son essai comme dans le libre propos qu’il accorde à R.B.L, Olivier Germain-Thomas témoigne en vérité, en finesse, et avec un humour rare, des évènements de 1968, comme l’un des épisodes historiquement les plus énigmatiques de la France. Quand il parle d’André Malraux, il est émouvant d’admiration, d’authenticité. Il souligne de facto une complicité majeure. D’ailleurs, dans son livre, il souligne opportunément « la plume lapidaire » du Général et cite quelques unes de ses « dédicaces-intuitions » fulgurantes. Il avait publié ces textes avec Philippe Barthelet. Il redit ainsi ce que le Président écrivit à l’attention de Pierre de Boisdeffre, de Pierre Jean Jouve, de la veuve de Paul Claudel, de Malraux, de Mauriac, mais aussi de Jean-Marie Le Clézio, de Vercors, de Montherlant, de Romain Gary, de Dominique de Roux… Ce tableau si personnel de 1968 par un gaulliste de la première heure, un chrétien fidèle par l’esprit mais ne refusant jamais l’évolution des rites, un écrivain voyageur habité de Sagesse orientale, fruit de ses périples à travers la planète entière 2 , « à l’heure où la lecture des SMS a remplacé les textes sacrés » (sic) met en haute valeur l’âme « cette chose vivante en l’homme » qui laisse espérer « qu’un surgissement de l’Esprit se prépare » ! Quant aux « ouvertures » finales d’Olivier Germain-Thomas qui permettent de refermer son beau livre sur une « lettre ouverte au Président de la République » Emmanuel Macron, elles démontrent que la seule voie qu’il nous reste est celle du « respect des indépendances sans les dérives nationalistes ». En suggérant cette voie-là, Olivier Germain-Thomas se révèle comme un témoin rebelle spirituellement très proche de ceux qui font notre bimestriel. Nous en avions l’intuition. En voici la preuve. Elle est à lire sans tergiverser.
(D’un entretien avec J-L Maxence)
1. Olivier Germain-Thomas, La Brocante de mai 1968 et ouvertures (Pierre-Guillaume de Roux, 2018, 18 €)
2. Cf. par Olivier Germain-Thomas : Soleils de cendre, (Albin Michel, 1979), La tentation des Indes (Plon, 1981), Retour à Bénarès (Albin Michel, 1986), De Gaulle jour après jour, avec Philippe Barthelet (F.X de Guibert, 2000)… entre autres !