
Je savais qu’Emmanuel Gambet était photographe depuis toujours. J’avais vu certaines de ses œuvres accrochées aux cimaises, parcouru son livre « Les bancs ». Des photos présentées-là dans Rebelle(s), celles qui me touchent le plus sont les quasi-dessins à la mine de plomb ou au charbon, dans un tout de brume estompant les détails en arrière-plan, dissolvant dans une lumière d’aquarium les enchevêtrements de branches à la volonté presque consciente. Le naturaliste revêt alors un manteau sorcier. Nous vous les révélons en donnant accès à son portfolio. Puisse cette confrontation avec les lanternes magiques de la forêt des songes réveiller en nous le désir de retrouver les mêmes joies, laissées depuis longtemps au fond d’un tiroir.
Nous sommes guidés – paradoxe – sur le chemin de l’errance. Résultats d’une « entropie créatrice », nous sont montrés « Ces petits arbres torturés » qui « rendent compte de toutes les difficultés et des obstacles qu’il a fallu contourner pour survivre. »
À l’instar de ce qu’écrit le poète Pascal Commère dans son dernier livre Garder la terre en joie paru aux éditions Tarabuste et qui vient de recevoir le prix Max Jacob, le photographe Emmanuel Gambet nous égare en un enchevêtrement de tiges et de rameaux du jardin de neige, du bois à la lumière furtive, au « maillage touffu et compliqué »…
Qu’on en vient / à rêver d’un envol de flammes vives – sorcières / inaperçues d’un improbable été… / … Cependant que là-bas, dans l’ombre des halliers / l’arbre de toujours ronge son frein.
Éric Desordre
Accès au portfolio : https://emmanuelgambeta844.myportfolio.com/sous-bois
Sous-bois, introduction au portfolio
« Ce ne serait pas mieux si je savais ce que je fais avant de commencer ? Peut-être, mais en matière de photo, je suis plutôt opportuniste, sans véritable plan préparé. Ça, c’est la règle générale, le principe de l’errance curieuse, du regard décalé et de l’attente de l’inattendu. Ce qui ne veut pas dire que certaines idées arrêtées, d’aucuns diront des obsessions, n’accompagnent pas l’errance et guident le regard. Il y a plusieurs années, j’avais photographié un banc public dans une configuration assez étrange. Cela m’a donné l’idée d’en photographier d’autres, intéressants pour eux-mêmes, ou pour les scènes de vie quotidienne qu’ils accueillent. Il est amusant de constater qu’en feuilletant mes photos de l’époque argentique, j’ai retrouvé quelques bancs qui sont donc venus compléter ma collection, comme un acte manqué en quelque sorte.
C’est un peu ce qui s’est passé pour les photos de sous-bois. Je ne me suis pas aperçu tout de suite de ce qu’inconsciemment je recherchais, mais cela m’est devenu plus clair en travaillant et en regroupant les photos qui me plaisaient. Ce que ces photos mettent en évidence, c’est la profusion de vie. Les formes simples, que révèle et met en valeur le N&B, sont le résultat d’un processus complexe, d’une entropie créatrice produite à partir d’une association du végétal, de l’animal et du minéral.
Ainsi, dans la jungle du confluent Ariège Garonne, cet arbre donne l’impression qu’il se penche pour aller observer ce qui se passe dans ce taillis bien agité pour une fin novembre.

Un peu plus loin, ces petits arbres torturés rendent compte de toutes les difficultés et des obstacles qu’il a fallu contourner pour survivre.

Il s’agit de traverser les saisons, et ce début de l’hiver n’est qu’une étape de vie, une période d’inventaire, l’opportunité de ne conserver que les éléments sains, aptes à accueillir le prochain printemps. »
Emmanuel Gambet
