« Car la mer et l’amour ne sont point sans orage » *
La harpe celtique danse sur place
Est corde étroite entre ses jambes de bois
Charpente courbe
Le vent celtique chambre inhalante chambre exhalante
Se laisse manger aux embruns
En croûte de sel
La mer celtique est verte est l’huitre
Aux branchies en iris bleu
Le chant celtique est sans âge est psalmodie est murmure
Est grommèlement entre les roches noires et les bigorneaux défunts
Grains de calcaire sur le granit
Évangélisés par les moines irlandais et gallois qui naviguaient dans des auges en pierre – Dieu pourvoyaient au courant favorable – les Bretons ne pouvaient qu’avoir la caboche dure et le cœur innocent.
L’Ankou écoutait le grassou
La poussière attendait l’ennui
Et pendant ces trois jours de mélopées
L’Ankou s’ennuyait et baillait
L’âme prenait son temps pour s’envoler
Il est des âmes pressées comme il est des hommes avides
Les âmes lentes sont celles des pudiques, des héros et des sages
La vertu les retient auprès des leurs
Pendant trois jours l’Ankou s’ennuie
Il doit attendre qu’une femme empoigne
Un balai pour congédier la vertu, le mérite et la grâce
Alors l’âme honnête va
Et les fenêtres s’ouvrent et les chants cessent
Au festnoz de Beuzec-Cap-Sizun, les chevaux sont parés de fleurs et la bruyère est océan fauve sous le vent. Au tecnoz de Denez Prigent, la musique traditionnelle adossée à l’électro aux effets de sidération magnétique porte la langue bretonne jusqu’aux sens des peuples qui refusent l’oubli, des Kazakhs aux Samis.
Denez Prigent sort la pluie de son coffre où il range les choses et elle lave nos frères humains qui après nous vivrons. Bob Dylan des confins, sa route n’est cependant pas celle des clochards célestes. Sa voix mélancolique part rejoindre le Kérouac de Big Sur. De Santec à Huelgoat, il n’est que 49 kilomètres. Le barde est en prière et son verbe est la mer.
Éric Desordre
* À Philis – poème de Pierre de Marbeuf, 1596-1645