Ailefroide
Ton nom claque au vent d’altitude !
Tes sommets en delta frôlent les 4000, déployant une furieuse cavalcade de crête neigeuses et rocheuses qui s’épointent au coeur de l’Oisans sauvage…
Ton ombre descend de tes ailes tutélaires
Comme une épaule familière
Aux paliers de ma vie
Je t’ai gravie puis photographiée de l’adolescence à la sénescence.
Mes rendez-vous n’étaient pas toujours fidèles ou concertés.
Le Glacier Noir ou Coste Rouge dans le brouillard, le col de la Temple avant l’orage, me rendaient prudent mais persévérant.
D’autres rencontres me vivifiaient. L’air raréfié de tes cimes ailées venait à ma rencontre, souffle puissant qui emplissait mes poumons d’une froide brûlure.
Et mes yeux brûlés de soleil, brûlés à la vue de ton glacier suspendu comme écharpe scintillante dénouée sur le vertigineux balcon du vide.
Isolée de la Barre des Ecrins, comme la Kailash à l’ombre de l’Himalaya central, de discrets bivouacs sont scellés en tes flancs où se sont réfugiés les audacieux Fourastier, Gervasutti…
Si peu de traces pour s’effacer avant l’élan final ?
Rituel inavoué du non-retour, surmonter la peur de se perdre dans tes crevasses, de ne pas frôler les portes de l’imaginaire ?
Aile froide ! vivante est ton ombre brûlante. Nos doigts usés te caressent comme si nous étions à l’abri du toit du monde.
Jean-Jacques Guéant