Rebelle(s) : Bonjour Jeanne. Merci d’avoir accepté cet entretien pour notre revue. Quand et pourquoi vous êtes-vous engagée dans le scoutisme ?
Jeanne Merckaert : J’ai commencé en deuxième année de louveteaux-jeannettes, soit en CM1. Je voulais commencer dès la première année, mais il n’y avait pas assez de place donc j’ai été prise la deuxième année. Au début, j’y suis allée parce que mes parents m’avaient inscrite, mais au fur et à mesure que les années s’enchaînaient, je me suis plu dans cet environnement et aujourd’hui, j’y suis bien et je ne compte pas m’arrêter de sitôt.
Rebelle(s) : Au fil du temps, est-ce que vous avez eu des déceptions ou éprouvé l’envie d’abandonner cet engagement ? Par exemple, pour cause de charge temporelle, obligations: difficiles peut-être à concilier avec d’autres dans votre vie d’adolescente ?
Jeanne Merckaert : Pendant mes cinq premières années, je dirais, c’était compliqué. Je n’étais pas très sociable et j’avais beau venir à toutes les réunions, à tous les week-ends et à tous les camps, je me sentais un peu seule. Je connaissais tout le monde, mais les gens ne me connaissaient pas parce que j’étais discrète, je ne faisais pas partie du groupe « populaire », si je puis dire. Pendant ma dernière année scouts-guides, j’ai passé la majorité du camp avec ma petite sœur et une de ses amies ; à ce moment-là, j’avais encore un peu de mal à me sentir incluse au sein de la tribu (c’est comme ça qu’on appelle le groupe dans cette tranche d’âge). Pendant ces cinq années, j’ai souvent eu l’idée d’arrêter, mais à chaque fois, à la fin du camp, je me rappelais pourquoi je faisais ça et je continuais.
Lors de ma première année aux pionniers-caravelles, on avait un tout petit groupe et je connaissais à peine la moitié de la caravane (le nom que l’on donne au groupe dans cette tranche d’âge). Dès le début de l’année donc, j’ai pris ça comme un nouveau départ et le camp a été incroyable cette année-là, je pense que c’est le meilleur camp que j’ai fait depuis que j’ai commencé les scouts. L’année dernière, pendant ma deuxième année pioK (pionniers-caravelles), j’ai fait de nouvelles rencontres qui m’ont beaucoup aidée à avancer dans ma vie au sein des scouts, qui m’ont portée et soutenue pendant les moments compliqués. Cette année – je suis en troisième année pioK – pendant le camp, avec toutes les troisièmes années, nous allons décider de nos équipes Compas. Ce sont des équipes de trois à sept personnes qui seront nos équipes pour les deux ou trois années à suivre. J’appréhende un peu ce moment, qui est souvent celui où l’on se dit les quatre vérités parce que personne ne veut passer, dans les années à suivre, un camp d’un mois avec des gens qu’on n’apprécie que peu. Mais cette année, j’ai renforcé mes liens avec certaines personnes, qui deviennent même mes ami(e)s, et je me prépare plus confiante à ce camp à venir.
Un obstacle qui peut être compliqué à surmonter, c’est le fait qu’on soit avec les mêmes personnes depuis nos années louveteaux-jeannettes jusqu’à notre dernière année pionniers-caravelles. D’un côté, ça peut être un atout, parce qu’on apprend à connaître les gens aux côtés de qui l’on grandit. De l’autre, ça peut être compliqué de grandir et de mûrir toujours avec les mêmes personnes. Ce que je veux dire, c’est que les gens que l’on connaît aux louveteaux-jeannettes sont les mêmes qu’aux pioK, donc l’image que ceux qui vous entourent ont de vous peut être dure à faire évoluer. Pour ma part, j’ai beaucoup changé depuis ma première année aux scouts, je suis passée d’une petite fille très colérique et au caractère très compliqué à une jeune fille beaucoup plus calme, ou du moins, j’arrive à prendre sur moi, je suis beaucoup plus patiente qu’avant. Cette évolution, certains la voient et m’en félicitent même, mais si on n’est pas « populaire » dès le début, on reste à notre place, avec l’image que l’on traîne depuis des années, et ces gens plus « populaires » ne font pas attention à ces changements, mais restent avec l’image qu’ils ont depuis le début sans la questionner. Tout ça peut donner envie d’arrêter, d’abandonner, mais il ne faut surtout pas : plus les années passent, plus on grandit, plus les camps sont longs, plus on gagne en autonomie, plus on apprécie d’aller aux scouts.
Rebelle(s) : Vous désirez donc continuer… Pour combien de temps encore?
Jeanne Merckaert : Oui, je n’ai pas le moindre doute sur ça. Je vais continuer jusqu’aux Compas en tant que « jeune », puis je continuerai l’aventure en tant que cheffe pendant plusieurs années, même si je ne sais pas encore combien précisément. Mais je sais que même quand j’arrêterai d’être cheffe, je serais toujours scoute. Les scouts, c’est des rencontres, des amitiés, mais aussi une éducation et plein d’enseignements qui sont utiles dans la vie de tous les jours. « Scout un jour, scout toujours », c’est la devise cliché à laquelle tout le monde pense lorsqu’on pense aux scouts. Mais il y a du vrai dans cette devise. Même si l’on ne porte plus la chemise, on est toujours scout au fond.
Les scouts m’ont appris à devenir autonome, à me passer de téléphone, à cuisiner autre chose que des pâtes, à faire ma lessive à la main, à faire la vaisselle… Même si ce sont des choses du quotidien qui peuvent paraître anodines, apprendre tout cela lorsque l’on est en classe de sixième ou de cinquième permet de gagner une certaine autonomie et une certaine maturité assez rapidement par rapport à d’autres enfants. Les scouts m’ont inculqué un sens du service, du service à la communauté, du service à l’autre, du service à la famille, et du service à soi-même. Tout ça, c’est un bagage important qui nous permet de grandir et qui nous permet de gagner en maturité. Et comme on utilise ce bagage tous les jours de notre vie, je considère que l’on est toujours scout, on a toujours quelque chose des scouts sur nous, en nous.
Rebelle(s) : Selon vous, y a-t-il un profil particulier, des points visibles communs parmi les jeunes scouts ?
Jeanne Merckaert : Certains diront que les scouts, c’est quelque chose de cher aux bourgeois, parce qu’on est habitué à voir les scouts comme une institution catholique, mais il existe différents mouvements scouts, des mouvements juifs, musulmans, bouddhistes, athées et encore beaucoup d’autres. Et au sein même d’un mouvement, chacun est différent. Les points communs, on les développe par notre parcours chez les scouts et par l’éducation que l’on a en commun. À part cela, il n’y a pas de profil type pour les scouts, il faut que chaque personne puisse rejoindre le mouvement qu’elle souhaite.
Rebelle(s) : Avez-vous observé ou ressenti une évolution, un changement de ce mouvement : par exemple dans l’attitude des scouts, l’intensité de leur engagement ou autre ? Sinon, souhaiteriez-vous qu’il évolue?
Jeanne Merckaert : Je n’ai pas ressenti d’évolution significative dans mes huit années au sein des scouts, mais je sais que le mouvement évolue. J’aimerais beaucoup que les scouts s’investissent plus activement dans la lutte contre le réchauffement climatique. Même si l’on respecte toujours la nature lors de nos camps, il n’y a pas forcément de prise de positions du mouvement dans le débat et c’est peut-être quelque chose qu’il manque aujourd’hui, à une époque où c’est l’un des enjeux les plus importants.
Rebelle(s) : Merci beaucoup, Jeanne, pour votre disponibilité à nous répondre et à partager vos réflexions personnelles avec nos lecteurs.