Attention, livre important ! Il existe parfois des textes courts, mais qui en une soixantaine de pages attirent votre attention, vous font réfléchir, et vous entraînent à changer de direction. Toutes proportions gardées, en lisant « Choisissez », on pense à « Indignez-vous », sauf qu’Aïssa Lacheb creuse ici le sujet du choix d’obéir ou non, face à un monde dont la marche unique nous intime d’adopter certains comportements, souvent à l’encontre même de l’être humain.
D’abord, d’où parle l’auteur ? Aïssa Lacheb a passé plusieurs années en prison, il est issu de l’immigration, est infirmer, auteur de plusieurs autres textes disponibles dans la même maison d’édition, dont l’excellent « Scènes de la vie carcérale ». C’est en prison qu’il écrivit son premier livre, « Plaidoyer pour les justes ». Il est bien placé, par rapport à certains hommes politiques, pour témoigner de la réalité du monde dans lequel nous vivons, en particulier de celui de la « France d’en bas », pour reprendre une expression pleine de mépris et à rayer définitivement de notre vocabulaire.
Attardons-nous sur le contenu du texte : Aïssa Lacheb se livre à une analyse sans concession des attentats dont a été victime la France depuis janvier 2015, puis élargit son propos en trouvant dans le capitalisme d’aujourd’hui les sources d’un mécontentement global, laissant sur le carreau les plus pauvres. Il s’attache à décrypter les mécanismes qui président à un paradoxe : d’un côté, on veut combattre la pauvreté, de l’autre, dans les faits, on la conditionne, par des décisions politiques en faveur des plus riches. L’auteur utilise une métaphore très juste, en comparant par exemple l’employeur à un père, et ses employés à des enfants. (p. 28/29) Ce modèle pouvait subsister tant que le capitalisme était à taille humaine, mais ne peut perdurer à l’ère des spéculations boursières et de la distance à présent immense entre patrons et salariés.
À l’appui de son appel à une forme d’insurrection par la désobéissance, Aïssa Lacheb utilise aussi bien des exemples statistiques, en parlant de la pauvreté subie, qu’en faisant référence à de grands auteurs, comme René Char, dont il cite une formule issue des Feuillets d’Hypnos, « Épouse ta maison, et ne l’épouse pas », pour appeler à une liberté totale des êtres humains, et non pas à une obéissance aveugle envers leur entreprise ou leur employeur.
L’auteur réussit un pari culotté : en soixante pages, il parvient à créer l’espoir chez son lecteur, celui d’un monde tout simplement meilleur, à partir du moment où le citoyen prendrait conscience de sa condition et du monde dans lequel il vit, des injustices sociales qui ne font que se multiplier, et se réapproprierait la notion de choix, que nous avons tous, et qu’on essaie de nous retirer, à mesure que notre civilisation avance vers un soi-disant progrès.
Précipitez-vous vers ce manifeste libérateur !
Choisissez ! – Aïssa Lacheb, éditions Au Diable Vauvert, 2016