Bron-Yr-Aur
Bron-Yr-Aur est un cottage tout à fait charmant. Perdu dans la campagne galloise, il a tout d’un havre de paix, complètement coupé des préoccupations modernes. Pas d’eau courante, pas d’électricité, un intérieur rustique… Le dépaysement est total pour les furieux hard rockers de Led Zeppelin que sont Jimmy Page et Robert Plant, habitués aux grands hôtels et à faire résonner l’électricité jusqu’au coeur de leurs fans dans des concerts aux foules innombrables.
Il faut voir les photos croustillantes prises pendant leur retraite dans ce cottage. Les deux membres de Led Zeppelin y ont des allures de campagnards, voire de hobbits. Ils semblent exceptionnellement détendus, heureux même. Lors de leurs longues promenades dans la campagne, en les croisant, plus d’un paysan affairé à ses champs a dû se demander qui pouvaient bien être ces chevelus aux allures bizarres… Des gens de la grande ville, probablement.
Impossible de brancher une guitare électrique ou une basse. La conséquence évidente est qu’ils ne joueront que d’instruments acoustiques pendant leur séjour : guitares, mandoline, percussions, banjo, etc. Cette situation fort étrange pour un groupe de Rock va générer le Led Zeppelin que l’on connait désormais, groupe aux mille facettes et aux sources d’inspiration multiples.
Sans cette retraite à Bron-Yr-Aur, en continuant sur les voies tracées par les deux premiers albums, Led Zeppelin ne serait jamais devenu LED ZEPPELIN ! Ils auraient sans nul doute fait une très belle carrière de grand groupe de hard rock, comme tant d’autres, mais ils auraient fini par se fondre dans la masse et leur musique n’aurait pas passé allègrement le cap des décennies comme elle le fait pour les placer dans le panthéon musical des grands de ce monde.
Headley Grange
Munis de quelques compositions acoustiques, Page et Plant rejoignent Jones et Bonham à Headley Grange, encore un lieu hors du commun pour un groupe de Rock. C’est un ancien hospice, situé dans un cadre très bucolique et Jimmy page y fait venir le studio mobile des Rolling Stones pour y enregistrer un album. Bien qu’il y ait l’électricité et l’eau courante, on reste dans un cadre rustique : le chauffage ne marche pas ! Mais on est en mai et juin de 1970 alors le problème n’est pas de nature à les arrêter. L’album sera terminé à l’Olympic Studio de Londres.
Les morceaux de Led Zeppelin III
L’album commence avec un morceau détonnant, empli de bruit et de fureur, Immigrant Song, qui décrit les invasions vikings de l’Angleterre. Une atmosphère de guerre se dégage de tout le morceau qui deviendra un grand classique du groupe.
Si Immigrant Song pouvait apparaitre comme un morceau typique de Led Zeppelin, il en est tout autrement avec le suivant, Friends. La guitare de Page, accordée en mode “indien” est supportée par un orchestre à cordes arrangé par Jones qui renforce ce côté musique indienne. On entre là dans un autre Led Zeppelin, nouveau pour l’époque.
Une part de la magie de Celebration Day est due à un accident technique. En effet, quelle curieuse intro : les guitares déboulent à tout allure, le chant se pose dessus et brusquement, à un moment où on ne s’y attend pas, la basse et la batterie font une entrée fracassante. Au départ, la basse et la batterie commençaient avec les guitares. Lors d’un réenregistrement, un technicien a effacé malencontreusement le début de la batterie. La prise étant parfaite, Jimmy Page a eu cet instinct de récupération : faire rentrer la basse et la batterie plus tard. Un effet assez génial né d’un accident.
Since I’ve Been Loving You est l’un des plus beaux blues jamais enregistrés par un groupe de rock anglais. Le mode mineur dans lequel il est joué lui donne une couleur bien particulière. La version live de 1973 mettra en avant son côté jazzy.
Gallows Pole est un véritable tour de force. Bâti sur une progression en crescendo, il fourmille d’instruments acoustiques. Pour l’occasion, Page se saisira d’un banjo, instrument dont il n’a jamais joué et l’insèrera d’une manière plus que convaincante. Jones jouera de la mandoline, instrument qu’il maitrise à la perfection et qu’il utilisera dans beaucoup de morceaux acoustiques du groupe.
Tangerine est un très beau morceau acoustique emprunt d’une atmosphère californienne sur les refrains.
That’s The Way. Encore un morceau acoustique de toute beauté. Ici, une remarque doit être faite : John Paul Jones est un mandoliniste d’exception, reconnu par ses pairs. Lors d’un festival international de mandoline qui a eu lieu en Angleterre il y a quelques années, il ne concourait pas pour un titre quelconque, il n’était pas président du jury, il était l’invité d’honneur !
Bron-Y-Aur Stomp est un autre déluge de traits acoustiques. Un curieux morceau enlevé qui a tout du square dance. Deux versions sont notables. Celle de Led Zeppelin III, évidemment, et celle des concerts à Earls Court en 1975.
Un fait remarquable concernant cet album est le ratio morceaux essentiels/morceaux sympas : on est clairement dans le 80/20 là où les deux albums précédents avoisinaient le 50/50. Le 80/20 va devenir la norme.
La prochaine fois : Led Zeppelin IV