C’est la Commission patriarcale sur les affaires familiales et la protection de la maternité et de l’enfance de l’Église orthodoxe russe qui vient de lancer un appel à l’introduction du concept d’idéologie destructrice dans le code pénal, et bien sûr à y incorporer aussi les sanctions afférentes.
C’est ce qu’a annoncé Inga Yumasheva, « experte » de la commission et ancienne membre de la Douma d’État.
Mais qu’est-ce donc qu’une idéologie destructrice pour l’Église orthodoxe russe ? Je suis sûr que vous pourriez deviner, mais je vais quand même le dire :
- Bien sûr, défendre les droits des personnes LGBT, c’est faire montre d’une idéologie destructrice. On peut l’entendre du point de vue de la doctrine de l’Église, mais d’ici à mettre les gens en prison pour ça, il y avait de la marge. Il n’y en a plus.
- Clamer que votre religion est supérieure aux autres est normalement puni en Russie par la loi sur l’extrémisme. Sauf bien sûr si votre religion est l’orthodoxie du patriarcat de Moscou, puisque l’Église orthodoxe russe est expressément exclue du domaine d’application de la loi. Mais plusieurs dignitaires orthodoxes russes se plaignant qu’il est parfois difficile de prouver le fait, ils pourront alors utiliser le concept d’idéologie destructrice pour faire condamner les concurrents.
- Critiquer l’Église orthodoxe russe : idéologie destructrice. C’est pourquoi j’ai pensé différer mon prochain voyage au pays des babouchkas que j’adore jusqu’aux temps bénis où les choses changeront pour le mieux.
Vous vous dites que tout ça, c’est quand même exagéré ? Mais le régime de Poutine est toujours plein de surprises truculentes. Plus tôt dans le mois la députée communiste Nina Ostanina, qui préside la Commission aux affaires familiales à la Douma, a annoncé qu’une loi était en préparation contre « les sorcières, sorciers et les guérisseurs ».
On pourrait leur proposer cependant, pour éviter l’inflation des débats législatifs inutiles, de commencer dès maintenant à travailler sur une loi globale intitulée « la loi contre ceux qu’on n’aime pas ». Libre au régime d’ensuite agir par décret pour faire des listes, qui pourraient fluctuer au gré des allégeances. Ça, ce serait de la belle rationalisation soviétique, sans pourtant déplaire au Patriarcat orthodoxe de Moscou.