On est tous sortis du manteau de Gogol, disait Dostoïevski. Mais de quelle nationalité est-il, ce fameux manteau ?
L’auteur de cette nouvelle est né dans le village de Bolchie Sorotchintsi, situé au cœur de l’Ukraine qui en 1809 faisait partie de l’empire Russe. L’influence de cet auteur est telle que la Russie et l’Ukraine revendiquent tous les deux son appartenance à leur pays. Lors de la commémoration du Bicentenaire de l’anniversaire de Nicolas Gogol (1808-1852), à Moscou, Vladimir Poutine avait dit que l’œuvre de « ce remarquable écrivain de la Russie liait de manière indissoluble deux peuples frères, le russe et l’ukrainien». À Kiev, des traductions ukrainiennes de Gogol remplacent « la grande Russie » par « la grande Ukraine ». Quant à lui, Gogol écrivait en 1844 : « Je ne sais pas quelle âme j’ai, russe ou ukrainienne. Je ne peux pas accorder ma préférence à l’une ou l’autre des nations. Les deux sont douées largement par Dieu et doivent vivre ensemble dans leur diversité ». (1)
S’il pouvait être entendu …
Dans la nouvelle le Manteau de Gogol, Akaki Akakiévitch Bachmatchkine est un employé modeste mais exemplaire. Il recopie des documents du matin au soir. Il est heureux ainsi. Sans ambition, sans le moindre besoin, sa vie est réglée et le satisfait. Mais tout bascule lorsque l’extrême vétusté de son manteau l’oblige à le remplacer.
Tout l’art de Gogol est d’accompagner cette descente aux enfers. Il entremêle la fable sociale au burlesque, le tragique au grotesque pour atteindre au final le fantastique. L’oeuvre nous touche par son universalité et son intemporalité. Ce bijou que constitue cette nouvelle fantastique est mis en scène par Serge Poncelet et Guy Segalen et joué actuellement et jusqu’au 18 décembre 2022 au théâtre de l’Opprimé à Paris.
Serge Poncelet assure une performance extraordinaire. Seul en scène, il incarne tous les personnages avec un talent hors du commun. Nous sommes transportés par son jeu et une mise en scène pleine de poésie. C’est un bonheur de suivre le destin de ce petit fonctionnaire qui nous touche tant par son humanité. Il nous arrive de sourire, d’être joyeux mais nous partageons aussi ses peines. Son sort nous amène à réfléchir à la condition humaine et à nous-même.
Je suis sortie de la salle heureuse et bouleversée à la fois. D’ailleurs depuis, je n’arrête pas d’y penser tant l’impact de cette pièce est grand. Je revis l’atmosphère, je revois les décors et lumières et surtout je continue à réfléchir à ce petit fonctionnaire à l’allure si insignifiante qui peut être me ressemble… C’est un spectacle magnifique à qui nous souhaitons le succès qu’il mérite. Merci à toute l’équipe artistique pour ce fabuleux moment de théâtre. Et Bravo !
(1) L’Express du 3 avril 2009
Le Manteau, de Nicolas Gogol
Du 7 au 18 décembre, par Le Théâtre Yunqué
Mercredi à samedi : 20h30 – Dimanche : 17h
Théâtre de l’Opprimé
78/80 rue du Charolais 75012 Paris