Monothéisme, athéisme, polythéisme, déisme et tous les autres encore: comment tant de “ismes” en sont-ils venus à anéantir l’indépendance de l’esprit et à restreindre de ce fait la conscience humaine au simple choix, si c’en est un, d’une idéologie plutôt qu’une autre?
Au commencement, si ce n’est le verbe, était vraisemblablement l’émergence conjointe de l’espace et du temps. Au commencement, hors de toute capacité d’observation scientifique, loin de toute notion de mesure, il n’y eut donc rien de plus opposé à l’idée même d’un commencement. Rien que l’Être, cette entité abstraite aux apparences tangibles à laquelle nous appartenons et que nous nous plaisons arbitrairement à nommer «réalité». Cette réalité, ce possible Grand-Tout, nous l’expérimentons au quotidien sans que sa supposée victoire sur le Néant ne soit pour autant connue de nous.
L’athée, cet escroc
Du point de vue de celui qui croit ne croire en rien, s’autoproclamant savant, le plus souvent sous l’égide d’un rationalisme irréfutable (pour ne pas dire suprême) et dont il serait l’heureux détenteur, tout ce qui relève du mystère est obstrué au profit d’une vision du monde relevant de la simple causalité, concept pourtant remis en perspective depuis près d’un siècle par ceux-là même que l’athée reconnaît comme étant ses maîtres. Ces maîtres, ce sont les scientifiques et parmi eux, les pères de la physique quantique dont un bon nombre, à l’issue de leurs découvertes, en sont pourtant venus à s’intéresser aux spiritualités orientales, voire à s’y convertir. De manière modérée, contentons-nous d’évoquer les correspondances établies entre Wolfgang Pauli et C. G. Jung ou les entretiens filmés de David Bohm et Krishnamurti.
Dieu à l’épreuve de l’éprouvette
Dès lors qu’il se retrouve confronté à un phénomène impalpable, l’athéiste-scientifique préfèrera l’exclure de son champ de réflexion et ne le considérera plus que de manière marginale, laissant à d’autres l’opportunité d’y voir de la magie, du paranormal. Si on l’interroge, le sceptique invoquera le hasard, la probabilité; et ces deux notions constitueront d’une certaine manière ses propres Dieux, tant sa réponse est peu satisfaisante.
La réponse, justement. Le système de pensée propre à l’athée, comme opère tout autre système, repose sur un socle culturel dont il ne peut s’arracher; sans quoi, ce qu’il a pour pilier viendrait à s’effondrer sous le poids d’insolubles questions métaphysiques. Or, l’humain semble être dans l’incapacité de vivre sereinement sans réponse, sans croire savoir. Il apparaît alors que l’athéisme ne soit qu’une tentative aussi vaine que la religion et ne visant qu’à produire le sentiment de connaissance.
Les phénomènes inexpliqués sont loin d’avoir disparu de notre société et rencontrent un nouvel élan depuis que Youtube a remplacé la littérature. Nous pourrions citer pour exemple les EMI, ces Expériences de Mort Imminente dont les innombrables témoignages rejoignent notre imagerie spirituelle ancestrale. De par l’entrelacement de sa soif de savoir et de sa nécessité de réponses, se pourrait-il que l’Homme ait insufflé au plus profond de son inconscient cette imagerie spirituelle qui le poursuit depuis toujours, au-delà des cultures, des territoires, des civilisations ? Ou bien la science, du fait qu’elle ait été historiquement dissociée de la spiritualité, se retrouve-t-elle inapte à admettre ses propres observations ?
La religiosité, un fléau contagieux et nocif
On estime à cent milliards le nombre d’humains ayant tour à tour peuplé la Terre. Parmi eux, combien sont morts à cause de leur appartenance religieuse ou à l’inverse, au nom de ce qu’ils ont cru être Dieu? L’agnostique ne peut s’empêcher de se demander pourquoi les Juifs n’ont pas reconnu en Jésus ou Mahomet le Messie qu’ils attendent encore, au nom de quelle démocratie subtile les Chrétiens vénèrent-ils le Pape, partie émergée d’un iceberg christique, tandis que sa qualité de chef spirituel lui a été attribuée à l’issue d’un scrutin incontestablement terrien; comment les Musulmans ont verrouillé leur culte en affirmant que le Coran, descendu du ciel, n’a pas été modulé par l’Homme; et plus encore, comment ces trois religions peuvent-elles ne pas s’interroger quant à l’égale illégitimité des autres croyances qu’ont été, pour n’en citer que quelques-unes, les polythéismes Grec, Romain, Égyptien, Scandinave, Asiatique et Sud-Américain…
Croire en quoi?
Rien n’est moins sûr, une chose est sûre : soit notre réalité est le produit d’une quelconque programmation divine et il n’est alors pas de raison de considérer qu’une religion plus qu’une autre ait su l’interpréter correctement; soit il n’en est rien. Dans un cas comme dans l’autre, il nous faut d’une part admettre que nous nous sommes entretués pour rien, et d’autre part que la Vérité nous est inaccessible. Et quand bien même elle serait accessible, l’esprit ayant pour outil la raison, celle-ci nous conduirait à nous demander si cette Vérité, qu’elle soit mathématique ou spirituelle, ne serait pas le fruit d’un hasard dans le premier cas et d’une hallucination dans le second cas: en définitive, le serpent n’en finit plus de se mordre la queue. L’exponentielle avancée des travaux en matière d’intelligence artificielle apportera à n’en pas douter de nouvelles approches et interrogations, peut-être même un bouleversement majeur.
Il se dégage de ce panorama l’inexorable nécessité de spiritualisation et probablement de ritualisation de nos existences. Peut-être nous faudrait-il envisager ces questions avec humilité. Il s’agirait d’abandonner tout dogme et d’homogénéiser nos forces vers l’acceptation du fait de ne pas connaître l’essence du monde tout en continuant à la chercher, et par dessus tout, à l’expérimenter dans ce qu’elle nous offre de potentialités radieuses, qu’elles soient émotionnelles ou sensorielles.
Thibaut-Léo Koben