Les élections se suivent et par certains aspects se ressemblent. Le «vote con» est toujours aussi présent et tendrait même à progresser d’année en année.
En effet, dans le secret de l’isoloir certains choisissent leur candidat non en fonction de ses idées ou de sa manière potentielle de gouverner, mais après avoir admiré la perfection de son brushing, la coupe de son costume ou encore, avoir été éblouis par sa gestuelle travaillée et son charisme supposé. D’autres encore votent avec leurs émotions du moment, aveuglés par ce que la campagne politique a soulevé comme questions sulfureuses, sans Histoire, sans mémoire pour les ramener à la raison. Enfin, sûrs de leur supériorité par rapport à leurs concitoyens, on peut distinguer une autre catégorie de votants: ceux qui votent en fonction de leur intérêt économique. N’est-ce pas tout aussi con que de voter en fonction de la mise d’un candidat ? Mais cette énumération n’est pas exhaustive car nous pourrions sans doute lister presque autant de «votes cons» que d’électeurs appelés aux urnes.
Sont-ce ces votes qui font dire aujourd’hui aux tenants de l’abstentionnisme et du vote blanc que «les élections sont des pièges à cons» ou encore à Coluche en son temps que «si le vote pouvait changer quelque chose, il serait interdit»?
Les origines du «vote con»
Le suffrage universel, d’abord masculin, est encore jeune au regard des sociétés humaines. En dehors d’une courte incursion au cours de la Révolution française de 1789, il est institué en France en 1848 après la Révolution du même nom. Et cette première élection à l’échelle nationale amena au pouvoir Louis Napoléon Bonaparte qui devint quatre ans plus tard Napoléon III et institua la dictature du Second Empire. On ne peut pas dire que ce fut une tentative réussie. Avec la chute de l’Empire et l’instauration de la IIIe République, il est apparu indispensable d’éduquer les masses afin qu’elles ne soient plus des proies aussi faciles face aux bonimenteurs de tout poils. C’est une des raisons qui amenèrent en 1881 la loi Jules Ferry sur l’instruction obligatoire. Parallèlement fut généralisée au sein des établissements scolaires l’étude de textes permettant de déterminer les ressorts d’un document écrit. À l’heure où l’Education Nationale apparaît en faillite et où les réformes scolaires se succèdent sans succès apparent, les votants les plus fragiles le sont d’autant plus face aux stratagèmes employés par ceux qui ne reculent devant aucune manœuvre politicienne.
Néanmoins, stigmatiser une partie de la population n’a pas d’autre effet que de la radicaliser et la manière dont les médias traitent la question du vote émotionnel ou superficiel apparaît inadéquate. À la manière de Jules Ferry et de ses contemporains, l’éducation et l’information semblent incontournables car il est inconcevable aujourd’hui de retirer le droit de vote à un individu sous prétexte qu’il manque de la jugeote la plus élémentaire (même si parfois ça démange un peu).
Et revenir au suffrage censitaire n’améliorerait pas les choses car l’argent n’immunise pas contre la connerie. Les diplômes et un Q.I. élevé, non plus.
L’analyse du « vote con »
La première chose qui transparaît du « vote con », c’est qu’il est intolérant. À partir de là, la question originelle de l’œuf et de la poule revient : Est-ce la proposition politique intolérante qui provoque le vote con ou alors l’inverse ; c’est-à-dire est-ce le vote intolérant qui provoque l’émergence de partis extrêmes ? Par définition, il est bien délicat de répondre à une telle question mais le résultat est là : les gens tendent à voter pour ceux qui leur ressemblent, alors qu’en est-il des cons ?
Pourtant la politique, à l’image de la philosophie (les grands philosophes de la Grèce antique étaient tous des penseurs politiques) devrait être liée à l’art de la sagesse. En effet, gouverner c’est prévoir et prévoir, c’est être capable de sagesse. Si on va par là, pour élire des gouvernants sages, il faudrait que la population soit elle-même emprunte de sagesse.
Et dans ces conditions, aurait-elle vraiment besoin d’être gouvernée ? Elle serait en effet capable de se gouverner toute seule. Mais ne nous égarons pas trop loin des sentiers de la connerie : plus le vote est con, plus la gouvernance s’en ressent, ce mouvement descendant menant parfois à la dictature. Néanmoins il arrive que du vote con et de la gouvernance qui en découle émergent des lueurs d’espoir. Il a en effet fallu que la Grèce et l’Espagne tombent bien bas pour que Syriza et Podemos arrivent au pouvoir et qu’ainsi les peuples se réapproprient le sens du vote, d’un programme politique et s’affranchir des manœuvres politiciennes, du moins en partie. Nous ne savons pas encore ce qu’il adviendra de ces courants politiques dans le futur, mais il est à souligner qui si l’extrême pauvreté peut mener aux extrêmes de tous bords, seule l’intolérance peut mener à l’extrême droite.
En France, la prochaine élection sera celle de nos députés. Quelques semaines nous séparent de cette échéance, mais en attendant, nous devrions chercher en nous-mêmes la raison et la sagesse nécessaires afin d’effectuer le meilleur choix, de quelque bord qu’il soit, en sachant séparer l’information de la désinformation. Ça serait con de se faire avoir, non ?
Fanny Durousseau