Depuis que le travail existe, son organisation a sensiblement évolué. Jusqu’au 19ème siècle, de très nombreux « travailleurs » – et au moins autant de travailleuses – couturières, cordonniers, bronziers… travaillent à domicile ou dans de microscopiques ateliers. Tous payés à la tâche, ils changent souvent d’emplois, en quête d’une stabilité quasi-introuvable, d’autant plus lorsqu’ils avancent en âge. L’industrialisation et la taylorisation vont modifier le statut de ces travailleurs à distance, précurseurs des télétravailleurs d’aujourd’hui. Deux types d’espaces de travail apparaissent : l’usine et le bureau. Mais ces lieux, symboles des progrès attendus de la société de consommation, engendrent de plus en plus de dommages physiques et psychologiques chez les travailleurs. Certains employeurs s’efforcent de lutter contre ces dégâts en mettant au point de nouvelles formes de lieux de production, de commercialisation et de direction. Des spécialistes de l’organisation du travail et de la gestion des ressources humaines tentent de concilier les impératifs de productivité et l’acceptabilité des conditions de travail, notamment grâce aux apports de nouvelles technologies favorisant l’automatisation des processus ou la gestion de l’information.
Généralement, ces évolutions sont bien reçues mais, progressivement, à l’initiative d’organisations syndicales de plus en plus puissantes, elles sont contestées et s’accompagnent d’âpres négociations visant à en atténuer les méfaits. La mise en œuvre des 35 heures en constitue une preuve récente, qui a été précédée d’interminables discussions entre pouvoirs publics, représentations syndicales, partis politiques et salariés. Fort de cet historique, la mise en place du télétravail nécessitée par la pandémie de la Covid 19, aurait dû s’accompagner de tensions, même s’il présente des avantages incontestables, pour les employeurs et pour les employés. La relative sérénité et la rapidité avec lesquelles il est apparemment accepté par le corps social ne manque donc pas de surprendre. Car cette remise en cause de l’espace de travail et des règles qui sont associées à son fonctionnement, constitue une rupture profonde avec des us et coutumes datant de plusieurs décennies, et s’accompagne de nombreuses incertitudes pour les deux parties. Plusieurs précautions seront nécessaires pour éviter que la belle utopie d’une organisation du travail plus humaine tourne à la dystopie.
Une évolution importée d’Amérique
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