On oublie généralement que le Rock ‘n’ Roll était à la base une musique de Sudistes, faite par des Sudistes pour des Sudistes (les mauvaises langues diraient : une musique de bouseux, de Red Necks. Si on regarde la biographie des pionniers américains du genre dans les années 50, on n’obtient presque que des naissances et enfances dans les états du Sud : Texas, Géorgie, Virginie, Mississippi, Louisiane, Missouri, etc.
La naissance même du nom « Rock ‘n’ Roll » ressemble à ces légendes rurales qu’on affectionne le long du Mississippi ou dans les bayous de Louisiane. Le Disc Jockey Alan Freed voulait passer du Elvis Presley, du Chuck Berry, etc., mais il travaillait dans une radio blanche et la musique à l’époque subissait une très forte ségrégation. Or, le problème avec tous ces petits jeunots provenant du sud de la ligne Mason-Dixon c’est qu’ils jouaient du Rythm ‘n’ Blues, de la musique de Noirs. Impossible de passer du Rythm ‘n’ Blues dans une radio blanche ! Alors il a inventé ce nom, Rock ‘n’ Roll, pour pouvoir les diffuser. Le Rock ‘n’ Roll est fondamentalement du Rythm ‘n’ Blues joué par de jeunes blancs du Sud. Pas mal de musiciens ont profité de l’aubaine : Elvis bien sûr, Eddie Cochran, Jerry Lee Lewis, etc., et même quelques Noirs (Chuck Berry, Little Richard). Le temps que l’Establishment s’aperçoive de la supercherie, il était trop tard. La planche à billets avait déjà commencé à fonctionner et les petits jeunes du Nord avec un pouvoir d’achat important ne juraient plus que par leurs idoles. Aux Etats Unis on pouvait cracher sur beaucoup de choses. Sur l’argent et la gloire, jamais !
Venu de Lubbock dans le fin fond du Texas, est apparu une rock star improbable dont le physique sage et les grosses lunettes dépareillaient terriblement avec le look « bad boys » des autres rockers. Et pourtant, en quelques années de carrière, Buddy Holly gravera son nom de manière indélébile dans la Légende du Rock ‘n’ Roll. Par ses chansons de son vivant, tout d’abord. Par son jeu de scène de chat sauvage électrique ensuite. Il a aussi été le premier artiste de Rock à produire en studio et arranger lui-même ses morceaux. Il influencera des générations de guitaristes, d’auteurs-compositeurs dont les célèbres Lennon et McCartney. Dans l’Histoire du Rock ‘n’ Roll, le jour de son décès est connu comme « le jour où la musique est morte ». Dans une réplique du film Les Commitments, quelqu’un dit au manager du groupe : « pourquoi tu t’embêtes à faire un groupe ? Le Rock ‘n’ Roll est mort avec Buddy Holly, de toutes façons ». C’est dire la puissance évocatrice de son nom. A une époque où les pionniers du Rock rivalisaient les uns avec les autres, se jalousaient un peu, aucun mot de travers pour Buddy Holly, que des louanges, du respect et de l’admiration, tant pour l’homme que pour le musicien. Il est peut-être le seul à avoir fait l’unanimité parmi ses pairs.
Un accident, une légende
Buddy Holly a eu la mauvaise idée de prendre un petit avion monomoteur en pleine nuit et à travers une neige qui tombait dru pour se rendre sur le lieu du prochain concert d’une tournée. Richie Valens et The Big Bopper l’accompagnaient. Ce jour-là, le 3 février 1959, ils sont tous morts sur le coup dans l’accident. Le Rock ‘n’ Roll y a perdu un de ses héros mais y a gagné une légende qui traverse allègrement les décennies.
Difficile de choisir des morceaux de Buddy Holly, il y en a tellement de bons. Mais les deux que je vous propose ont l’avantage « d’encadrer » sa carrière. Le premier est un de ses premiers succès et le deuxième est le dernier morceau qu’il a composé, ici représenté dans le film La Bamba.
Early In The Morning est une parfaite illustration du style vocal si particulier de Buddy Holly. Des chœurs aux résonances clairement Gospel élèvent avec classe l’aura du morceau. Un solo de saxophone typique de ces années là donne une surenchère terrible à ce rythme rapide et entrainant.
Crying, Waiting, Hoping démontre par contre son style guitaristique, ici parfaitement imité.
Là où les pionniers du Rock ‘n’ Roll ont eu parfois des traversées du désert avant d’être redécouverts, il a toujours été impossible d’oublier Buddy Holly. Il est toujours là quelque part dans ce qui se fait dans le Rock. Et ce n’est pas John Lennon ou Paul McCartney qui me contrediront.
William H. Miller
Le 1er morceau :
Le 2ème morceau (vidéo basse qualité mais morceau dans son intégralité avec certains plans de l’acteur qui joue Buddy Holly dans le film) :