Biographie. Paris. Robert Laffont 2018, 324 pages, 21€
Raffaël Enault a écrit une remarquable biographie de William Baranes, alias Guillaume Dustan, énarque, légiste, magistrat, écrivain, éditeur, barebacker, penseur, polémiste, pourfendeur de l’inculture et provocateur. Dustan a été et reste une icône controversée du milieu gay, notamment, en raison de la polémique résultant de sa position sur le bareback, c’est à dire les relations sexuelles non protégées entre adultes consentants.
Raffaël Enault nous montre à quel point Guillaume Dustan a été mal compris sur ce point mais cela ne constitue pas tout le corpus de cet excellent ouvrage qui nous décrit toute la complexité de celui qui constitue, pour beaucoup le dernier écrivain maudit, précurseur, notamment de la littérature LGBT qu’il a lancée en France en créant la collection « Le Rayon Gay », puis « Le Rayon » aux éditions Balland. C’est grâce à lui que la France a connu « Les Monologues du Vagin » d’Eve Ensler. À travers la vie complexe et l’écriture extraordinaire mais tourmentée de Dustan, Raffaël Enault nous fait revivre également toute cette époque très agitée et provocatrice des années 80 et 90, jusqu’à la mort de son héros en 2005, à trente-neuf ans.
Raffaël Enault a pu exposer sa biographie très fouillée à partir d’un travail très sérieux et très documenté. Il a ainsi recueilli les témoignages de tous les proches de Dustan (famille, amis, etc…), comme de tous ceux qui l’ont connu, lui rendant toute sa dignité comme le courage qui lui ont toujours été niés de son vivant par ses adversaires. Cette biographie fait véritablement revivre Dustan, au quotidien presque, avec ses doutes et ses certitudes, nous faisant regretter la disparition non seulement d’un personnage, polémiste redoutable dont nous manquons considérablement aujourd’hui, mais aussi d’un grand écrivain considéré comme un OVNI littéraire à son époque. Elle est également une invitation à nous faire découvrir ou re-découvrir son œuvre dont on ne peut que reconnaître, aujourd’hui, la profondeur.
Bertrand Pavlik