Éd. La Découverte, mai 2019, 455 pages, 13€
Le capitalisme contemporain a eu les honneurs de nombreux critiques. Une part d’entre eux en a tiré une robuste réputation. D’autres se sont concentrés autour d’un militantisme plus discret. C’est le cas d’André GORZ (1923-2007), pseudonyme consacré d’un autodidacte, « mi-philosophe, mi-journaliste […], sorte d’être hybride qui ne prétend pas à la virtuosité, mais qui offre son interprétation honnête ». Très écouté de milieux divers – syndicats, nouvelle gauche, sociale démocratie, écologistes, associations de chômeurs et de précaires… il produira 18 ouvrages, auxquels se sont ajoutés de nombreux articles, signés d’autres pseudonymes dont le plus connu sera celui de Michel BOSQUET, notamment publiés par le Nouvel Observateur qu’il a co-fondé ainsi que les Temps Modernes. Il n’a cessé de mettre sa pensée et son écriture au service d’une « utopie concrète » et d’investiguer sans relâche les voies qui pourraient conduire à l’irruption d’une « société non capitaliste et non marchande, porteuse de liberté et qui fasse rêver ». Incarnation de l’esprit de 68, il croisera la plupart de ses figures tutélaires et se risquera à esquisser les contours d’une « société de l’intelligence », porteuse d’une « civilisation du temps libéré ».
Sa biographie, qui vient d’être republiée, passe en revue les grandes phases qui ont marqué le monde du travail du XXe siècle, successivement celles de « l’aliénation de l’homme moderne », de la libération du travail à l’ère de « l’automatisation », de « la vie en période d’allergie au travail » et celle du « temps à l’ère de la société duale ». En 2007, il met fin lui-même à ce chemin « long et sinueux », trace indélébile d’une intelligence à la recherche d’un « autre monde qui soit humainement désirable ». Puissant penseur de l’écologie politique et de la décroissance, il se serait probablement réjoui du récent succès des écologistes lors du dernier scrutin européen…
Patrick Boccard