Trump, un sketch permanent
Nous venons d’assister à l’élection d’un clown, véritable showman, faiseur de punchlines simplistes, comme peut-être jamais l’Amérique n’en avait produit jusqu’aujourd’hui, et en même temps ce pays, véritable superpuissance du spectacle, possède, seul au monde, le chic pour accoucher de ce type d’individu.
On se réveille et on a mal un peu partout, on souffre surtout de l’imbécilité qui peut avoir conduit une partie de l’Amérique profonde à voter pour ce prince de la téléréalité, davantage intéressé par les fesses des femmes que par une politique digne de ce nom.
Mais qui avait-on en face ? Hillary Clinton. Elle ne faisait pas le poids et les sondages se sont complètement plantés. Un(e) autre Clinton à la maison Blanche ? Pas sûr que les américains le souhaitaient. Et pour succéder à Obama, en plus, il fallait quelqu’un de fort, une personnalité (femme ou homme) qui donne envie. Et Hillary n’a pas donné envie. Pas une seconde. Sa campagne, en un mot, s’est avérée désastreuse. Pas l’ombre d’un programme adapté aux besoins des États-Unis d’aujourd’hui, pas l’ombre d’une idée nouvelle, des enquêtes un brin étranges sur son compte, et une stratégie anti-Trump qui aura probablement causé sa perte.
Quitte à choisir un « vieux » ou une « vieille » pour représenter les démocrates, autant avoir opté pour Bernie Sanders, qui lui au moins défendait des valeurs profondes, quand bien même certains pouvaient être en désaccord. Il est dit aujourd’hui que Bernie l’homme de gauche aurait pu battre Trump. Possible. On ne le saura jamais…
En attendant, le monde devra subir quatre longues années durant (huit ?) un homme dont on craint les dérapages et les couacs, les incidents diplomatiques à venir (voir sa vision de notre pays…) une politique intérieure dure, un recul du droit des femmes, une volonté de non immigration assumée, bref un « white male » non progressiste et guerrier, une sorte de Bush Jr déversé dans le corps d’un Jean-Marie Le Pen, une fusion improbable qui va s’attaquer à tout ce qui ne va pas dans son sens.
Certains sur internet appellent à fuir au Canada, un peu comme si chez nous Marine Le Pen élue nous donnait envie de fuir en Belgique ou en Suisse.
Oui, on a envie de dire : courage, fuyez !
Mais cette élection ne fait-elle pas que confirmer au final la dérive droitière que le monde est en train de subir de plein fouet ? Et nous ne parlons pas d’une droite gaulliste, ou gaullienne comme on voudra, mais d’une droite dure, sévère, punitive, autoritaire, et qu’on peut aller jusqu’à qualifier également de nihiliste, car non ouverte sur le monde, penchant pour la suprématie de l’argent comme seul critère de différenciation.
Nous parlons bien d’une droite du désœuvrement et du spectacle, une droite bleue marine qui n’est pas sans rappeler, par ses valeurs, la montée d’un certain extrémisme qui commence maintenant à dater, et on sait que la mémoire n’est pas le point fort actuel de notre civilisation.
Essayons de conclure par une note positive ce constat accablant et défaitiste : Trump l’a montré pendant sa campagne, c’est un sketch permanent à lui tout seul. Alors certains seront heureux et gagneront mieux leur vie : les caricaturistes et comiques de tout poil n’auront pas à chercher bien loin leur source d’inspiration. Car si l’amertume l’emporte, au quotidien, eux auront de quoi faire. Et pour longtemps.
Christophe Diard