Dans la vie, il s’agit toujours de raconter une histoire. Que ce soit un article, un roman, une peinture, une chanson, un film ou un plat, c’est la découverte d’un univers et l’émotion dégagée qui président. Pour ceux qui ont vu le film Ratatouille, une scène est restée en mémoire : l’effet Madeleine de Proust de ce critique réputé très difficile qui devant une simple ratatouille est renvoyé à son enfance en goûtant ce plat pourtant simple, sublimé par un grand chef ( en l’occurrence, aidé d’un rat caché dans sa toque, devenu son ami… )
Des histoires, Pierre Sang Boyer en est devenu spécialiste. Il n’utilise pas les mots, une caméra, ou un micro pour transmettre son message ; même si parfois, il lui arrive de prendre un pinceau pour laisser une trace dans ses assiettes… Non, c’est avec ses mains, des mains de cuisinier, qu’il nous communique son univers et surtout, beaucoup d’émotion.
Pierre Sang est franco-coréen, il a été adopté par une famille française à l’âge de sept ans.
Et c’est dans son enfance qu’il sut qu’il voulait devenir cuisinier. Les plaisirs gustatifs, les odeurs, les saveurs de la cuisine familiale lui insufflèrent sa passion. C’est ainsi qu’il trouva le moyen d’exprimer ses deux cultures, différentes et complémentaires.
Pierre Sang a d’abord travaillé à Séoul, à Londres puis à Lyon, avant de participer à Top Chef, l’émission de cuisine-réalité devenue célèbre. Le grand public le découvre alors, avec un caractère jovial, mais entier, et parfois rebelle. On sent déjà poindre le grand cuisinier, lui qui impressionne par une créativité débordante. Christian Constant le prendra alors sous son aile, et après quelques mois passés dans ses cuisines, Pierre-Sang ouvre son propre restaurant, dans le quartier d’Oberkampf près de Paris. Depuis deux ans, il en a même ouvert un deuxième, à quelques pas, rue Gambey. Le premier pratique des prix abordables, le deuxième utilise des produits d’une plus grande rareté, et les prix y sont un peu plus élevés.
Ce qui dissocie ce cuisinier d’autres chefs plus classiques, c’est d’abord l’effet de surprise. En effet, Pierre Sang propose un menu unique qui varie tous les jours, selon l’inspiration de l’artiste. C’est singulier, et il faut en accepter le principe. On est, de toute façon, jamais déçus.
Il faut également noter la qualité de son équipe, toujours à l’écoute du client. L’annonce des plats se fait après la dégustation. Ainsi on peut s’amuser à essayer de trouver, au palet et au visuel, ce qu’on a pu manger. C’est à la fois ludique, et captivant.
Le fait que les cuisiniers soient au centre de la salle, et pratiquent leur art devant les clients, est moderne, et fait d’eux, également, des acteurs au centre de la scène, ce qui casse les murs qui séparaient habituellement les consommateurs et les cuisiniers, réduits à leur espace.
Il est à noter que l’équipe est sensibilisée aux allergènes, et que le menu unique peut varier selon les intolérances alimentaires.
C’est ensuite le tempérament de Pierre Sang qui le différencie des autres. Cela se traduit dans ses plats. C’est un artiste très rock’n’roll, qui n’hésite pas à surprendre dans ses assiettes, en alliant des saveurs inattendues. Vous l’avez compris, le menu change tous les jours. Ce qui a le plus marqué, et dont le goût revient en écrivant cet article, c’est la soupe de petits pois crème de piquillos, le risotto aux morilles et à l’étoile d’anis, le haddock émulsion de pommes de terre et sauce vierge, le magret navet fondant et sirops de grenade acidulé, le carré de chevreuil purée de panais chocolat blanc et sauce fruits rouges ( ! ), la mousse de lait aux framboises et sorbet basilic, la tartelette fraises et chocolat blanc, gingembre et citron vert…
Alain Ducasse, un des grands chefs et pontes de la cuisine française et internationale, ne s’y est pas trompé, et a même publié Pierre Sang Boyer dans sa collection.
Pierre Sang est un artiste cuisinier singulier, rebelle, de présent et d’avenir.
Courez donc y manger un morceau et rencontrer ce personnage attachant !
Par Christophe Diard