Mircea Eliade, Gilbert Durand et l’anthropologue Joseph Campbell dont les travaux ont inspiré Georges Lucas pour sa grande œuvre cinématographique Star War, nous ont rendus attentifs à la survivance des mythes dans nos sociétés contemporaines. Une relecture de leurs œuvres respectives permet de comprendre que les mythes, les symboles, les images ne sont pas des « créations irresponsables de la psyché », mais qu’ils remplissent une fonction hautement vitale. La « mort de Dieu », la « disparition de l’initiation », ou encore la « désacralisation de l’univers humain » sont autant d’évènements qui marquent un échec certain, celui de l’éradication impossible de la « folle du logis », l’imagination. Dans un univers aussi désacralisé que le nôtre, les mythes parviennent malgré tout à survivre sous d’autres formes.
Mircea Eliade a bien mis en évidence le fait que le roman moderne prolonge, sur un autre plan et à d’autres fins, la narration mythologique. Dans nos sociétés sécularisées, le roman a pris la place occupée par la récitation des mythes dans les sociétés archaïques. Les recherches d’Eliade sur la survivance des mythes dans nos sociétés contemporaines ne se limitent pas au champ littéraire. Il a également observé la manière dont les mythes persistent à exister à travers le cinéma, la bande dessinée, l’art contemporain, et même certaines idéologies politiques comme le communisme.
Cependant, il revient à Gilbert Durand le mérite d’avoir fondé une méthode d’investigation essentielle pour cibler les mythes camouflés dans la vie sociale : la mythanalyse. Trouver la figure mythologique qui se cache derrière tel ou tel comportement social est précisément l’intention de la mythanalyse durandienne : l’esprit d’une société peut se comprendre ainsi à partir des mythes qu’elle dissimule. Hermes, Dionysos, le fripon divin à travers la figure de Dark Vador ou encore Superman qui rappelle l’illustre demi-dieu grec Hercule seraient-ils les mythes dominants de ce troisième millénaire ?
Tous ces mythes émergeants révèlent une « zone de haute pression imaginaire » (Gilbert Durand). Les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et la Communication) ne font que confirmer une telle assertion, car loin de léser les mythes, ils les situent au cœur de la vie quotidienne. Harry Potter, Matrix, Star Wars, Spiderman sont autant de productions imaginaires qui réhabilitent les figures mythiques du sorcier, de l’initié, du guerrier, etc. Doit-on alors rappeler à quel point les expériences imaginaires sont constitutives de l’être humain, qu’elles participent à la construction sociale de la réalité. Aujourd’hui, le mythe n’incarne-il pas plus que jamais un modèle exemplaire pour tout un chacun? Et comment expliquer tous ces phénomènes culturels (cosplay, MMORPG, otakisme) qui réintègrent le mythe au cœur de la vie sociale ?
Par Frederic Vincent