Qu’il fut difficile pour Thomas d’Aquin de pouvoir décider de sa destinée! Dès son plus jeune âge, l’enfant commence à méditer, se consacre à la prière. Suite à une vision, sa mère Dona Théodora pense qu’une destinée, pieuse, lui est réservée, que Dieu lui a accordé la grâce. Elle souhaite ardemment que cette prophétie se réalise. Elle en est d’autant plus convaincue que la foudre ayant frappé le toit de la demeure familiale, la sœur de Thomas perd la vie dans l’incendie qui vient d’embraser une partie du domaine, alors que Thomas est sain et sauf. Thomas est un « miraculé » ! À l’âge de cinq ans, il est confié au monastère de l’abbaye du mont Cassin et élevé par les moines bénédictins. Il s’instruit alors aux mœurs saintes et manifeste une maturité et une curiosité intellectuelles surprenantes pour un enfant si jeune. Il surprend par sa sagacité. Il progresse rapidement et un frère prétend même que par trois fois il a eu la vision du visage de Thomas, cernée de rayons de lumière. Ceci laisse alors présager de son avenir.
Thomas est ensuite envoyé à l’université de Naples où il peut se consacrer à l’étude de la science et des penseurs arabes. Puis se croyant libre de choisir son orientation, il décide d’entrer dans l’ordre des Frères Prêcheurs. Sa vocation engendre l’exaspération de sa famille, de sa mère notamment, qui n’accepte pas que son fils intègre une charge religieuse aussi peu prestigieuse au sein d’un ordre mendiant. Elle aurait préféré pour lui une charge plus glorieuse, comme par exemple l’épiscopat. Alors pour le soustraire aux pressions familiales, le Maître des Dominicains décide de l’envoyer poursuivre sa vocation à Paris. Mais sur l’ordre de sa mère, Thomas d’Aquin est enlevé par ses frères. Il est alors tenu prisonnier par sa famille, durant plus d’une année. Dans l’intervalle sa mère tente de l’amener à déposer l’habit, certains viennent l’admonester, mais rien n’y fait. La vocation est
trop forte.
Pendant ce temps, les Frères de l’ordre choqués et révoltés par le sort de Thomas d’Aquin interviennent auprès du Souverain Pontife, Innocent IV pour qu’il intercède dans la libération de Thomas. Durant cette période, Thomas est privé de liberté, de la lueur du jour, opprimé, mais il se consacre à la prière et trouve la Lumière Intérieure. Il affronte le courroux de ses frères qui vont jusqu’à l’insulter, lacérer son habit, et le soumettre à la tentation en introduisant une fille des rues dans sa cellule. La réponse ne se fait pas attendre. Thomas entre dans une telle colère qu’il saisit un tison brûlant dans la cheminée et court en criant après la jeune femme, qui très impressionnée, s’enfuit. De colère, il marque la porte du sceau de ce tison, d’une croix, symbole pour lui de sa lutte contre les tentations charnelles.
Thomas résiste et sa dévotion s’intensifie. Le Pape intervient alors, auprès de l’Empereur Frédéric avec qui les relations se sont dans l’intervalle adoucies. Ce dernier écrit à la famille et menace de mettre en prison les frères de Thomas, s’ils refusent de le libérer. Dona Théodora se résigne à rendre la liberté à son fils. Mais elle ne veut pas perdre la face. Elle décide donc d’organiser une fausse évasion. Elle fait prévenir les Frères d’une éventuelle libération et ces derniers se rendent, au jour fixé, au bas de la tour du château. C’est là qu’ils assistent à une scène plutôt cocasse. Ils voient une grosse corbeille en osier, tenue par une corde descendre le long de la paroi. À l’ouverture, ils découvrent frère Thomas couché et ligoté, mais en bonne santé. Des larmes de joie sont versées, tous heureux de retrouver un des leurs et le célébrant pour sa ténacité. Ainsi frère Thomas va-t-il enfin pouvoir se consacrer, en dépit de sa mère, à sa vocation !
Thomas entreprend alors des études de théologie à Paris. Ses compagnons d’étude le surnomment «le grand bœuf muet de Sicile». Thomas a certainement gardé quelques habitudes de la solitude liée à l’enfermement, il est décrit comme timide et réservé. Mais un jour qu’il est particulièrement brillant au cours d’une leçon, son Maître Albert le Grand affirme devant l’assistance: « Ah, Vous l’appelez le bœuf muet ! Je vous le dis, quand ce bœuf mugira, ses mugissements s’entendront d’une extrémité de la Terre à l’autre ! »
Laurence Vanin