« C’est quand il parle en son propre nom qu’un homme est le moins sincère. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité. »
Cette citation d’Oscar Wilde n’a peut-être jamais été mieux concrétisée que par le personnage de Ziggy Stardust. David Bowie est d’un naturel timide. Il a certes obtenu un grand succès avec l’album Hunky Dory mais il est encore loin d’être une bête de scène. Il lui faut un via pour exprimer toute l’énergie bouillonnante qui sommeille en lui et la création de cet « extra-terrestre venu sur Terre pour sauver le Rock » va le lui permettre. En incarnant ce héros spatial, il joue un rôle, il peut tout se permettre car il n’a pas à être lui-même et il n’y aura plus de limites à son extraversion. L’idée en elle-même est hallucinante et a tout pour séduire. Jamais le Rock ne s’était autant approché du théâtre.
L’album Hunky Dory vient donc d’être un succès. Le suivant, The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars est enregistré dans la foulée et sort le 18 juin 1972. Auparavant, le 22 janvier, Bowie déclare à Michael Watts du Melody Maker qu’il est gay et devient immédiatement un symbole, ce qui créée une grande attente pour l’album suivant. Coup de pub ou déclaration sincère ? Rien n’est simple avec Ziggy Stardust ! La plupart des biographes de Bowie et spécialement son biographe attitré, Jérôme Soligny, pensent que Bowie était tout simplement à voiles et à vapeur à l’époque.
Le 6 juillet 1972 célèbre l’avènement du personnage de Ziggy Stardust. Dans l’émission de télévision Top Of The Pops, David Bowie et son groupe, les Spiders From Mars, interprètent Starman et on peut dire que le Glam Rock en a encore été transformé. Certes, Marc Bolan de T. Rex était déjà apparu maquillé avec des paillettes sur le visage, prenant des poses androgynes devant la caméra. Là, avec Ziggy Stardust, on entre dans une nouvelle dimension où il ne semble plus du tout s’agir de pose, de comédie, mais d’une réalité sulfureusement tangible. Les costumes d’abord, qui devancent largement les frasques habituelles du Glam Rock et l’amènent dans une sphère de Science-Fiction. Les paroles d’ailleurs sont typiques de ce genre littéraire et cinématographique. Le maquillage ensuite, qui, sans être appuyé pour l’instant, mets nettement en valeur l’aspect androgyne du chanteur et du guitariste. Le summum est tout de même atteint par l’attitude qu’ils affichent, semblant jouer un jeu de séduction l’un vis-à-vis de l’autre. Les parents ont détesté voir des musiciens s’afficher de la sorte. Évidemment, les mômes ont adoré !
Le clip :
Les paroles :
https://www.lacoccinelle.net/260805-david-bowie-starman.html
Pour bien enfoncer le clou Science-Fiction, David Bowie nous parle dans la chanson Ziggy Stardust de cet extraterrestre venu sur Terre pour sauver le Rock :
Les paroles :
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Dans un registre moins tapageur mais tout aussi sulfureux, bien que peut être sincère, la chanson Lady Stardust est un hommage à Marc Bolan et évoque en termes voilés l’attirance trouble de David Bowie pour le pionnier du Glam Rock :
Les paroles :
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Soul Love semble être un hymne à l’amour avec ses chœurs charmeurs et son atmosphère enveloppante mais les paroles reflètent clairement une désillusion :
Les paroles :
https://www.lacoccinelle.net/272849-david-bowie-soul-love.html
All The Young Dudes, écrite par Bowie pour le groupe Mott The Hoople, est un hymne fédérateur pour les fans du Glam Rock ainsi qu’un autre hommage à Marc Bolan par le vers : “Je n’ai besoin de rien d’autre car j’ai T. Rex”. Ici sur scène au milieu d’un medley Wild Eyed Boy From Freecloud/All The Young Dudes/Oh! You Pretty Things :
Malgré toutes ces ballades et morceaux au tempo moyen, les Spiders From Mars restent un grand groupe de Rock ‘n’ Roll. Suffragette City :
Pendant que se déroulent ces exploits discographiques et télévisuels, se poursuit le Ziggy Stardust Tour, énorme tournée mondiale qui sillonnera le Royaume Uni, les Etats Unis et le Japon et durera du 29 janvier 1972 au 3 juillet 1973.
Avant la performance de Starman à la télé, dont nous parlions plus avant, le 17 juin 1972 lors d’un concert à Oxford, David Bowie simulera pour la première fois sur scène une fellation sur la guitare de Mick Ronson pendant un solo. Ça deviendra un élément incontournable de chaque show.
D’une manière générale, plus on avancera dans la tournée et plus l’élément théâtral prendra de l’importance : changements de costumes, tous plus sidérants les uns que les autres, maquillage de plus en plus appuyé, etc. La tournée a commencé en 1972 avec un set simple de musiciens (les Spiders From Mars) pour finir en 1973, au fil des ajouts, par un groupe comprenant 11 musiciens, des costumières, des maquilleuses, etc.
Début septembre 1972, toute la troupe prends le bateau pour les États-Unis. David Bowie a peur de prendre l’avion et c’est par mer que Ziggy Stardust arrive en conquérant au Nouveau Monde. Les dates américaines auront un énorme succès.
Quand le groupe rentre par bateau en Angleterre, le monde entier ne parle que d’eux et les musiciens ont commencé à travailler sur l’enregistrement de leur prochain album.
La prochaine fois : Ziggy Stardust, maître du monde !