Dernières fleurs avant la fin du monde. Avec un tel titre, on serait en droit d’imaginer immédiatement un décor apocalyptique où l’humanité n’a plus, au mieux, que quelques décennies devant elle, au pire, soixante-douze heures. Et on aurait raison. Nicolas Cartelet nous propose en effet un décor où ne subsistent que quelques reliquats, et pas les meilleurs, de ce que nous connaissons de notre monde actuel: des couples et leurs difficultés à se comprendre et à communiquer, des hommes et des femmes aliénés par le travail (certains ouvriers agricoles, d’autres usiniers), des salaires permettant tout juste d’alimenter le corps pour retourner à la tâche le jour suivant, un système économique vertical où le puissant écrase et maintient dans l’oppression. Bref, un monde où il ne fait pas bon vivre.
Armandville ne fait d’ailleurs pas rêver. Ville déshumanisée qui se meurt à petit feu faute de descendance (les hommes sont tous impuissants) et qui vit dans l’obscurité, exceptées quelques heures par jour où l’électricité est donnée aux habitants afin de faire cuire leurs pommes de terre, salaire quotidien des ouvriers agricoles. Tout est gris, sale. Le héros non plus, ne fait pas rêver. Et pourtant, il s’agit bien d’un héros. Albert rejette ce système aliénant et nous suivons la montée de son sentiment de rébellion qui débouche sur son refus de polliniser, à la main, des hectares de cerisiers. À quoi bon ? Sa quête de sens le pousse, d’abord seul, à saboter volontairement la survie des Hommes en dispersant au vent le précieux pollen qu’il reçoit chaque jour de l’intendance. Le temps de l’union viendra plus tard, celui de la répression, aussi.
Sa rébellion se voit toutefois freinée par le Duc, chef suprême qui vit à l’écart des Hommes dans une maison gigantesque et qui l’embauche pour devenir le professeur de sa fille Apolline. Albert, qui sait encore lire dans ce monde où la littérature a disparu, et tout autre art avec elle, se voit confier la tâche de lui enseigner la lecture. Nous suivons ce couple improbable d’une petite fille atypique et d’un homme qui ne croit plus en rien : leur rencontre ne nous laisse pas indifférents. Un autre genre de rébellion se met alors subtilement et lentement en place.
Nicolas Cartelet parvient à insuffler la révolte dans la passivité de ce monde qu’il a imaginé, à travers son héros du quotidien, post-moderne, et nous invite à réfléchir sur notre capacité à nous rebeller et à refuser un système qui ne nous convient plus. Quitte à provoquer la fin du monde…
Dernières fleurs avant la fin du monde
Nicolas Cartelet
Editeur : Lgf Livre de Poche
Format 11cm x 17cm
192pages