Les «Saisons» 2018 et 2019 de la «Série gilets jaunes contre forces de l’ordre», coproduite par les autorités et les citoyens français, ont connu un succès considérable. Pendant des mois, l’attention de l’opinion a été captée par les convulsions qui ont agité la plupart des villes moyennes de province, autour de ronds-points occupés jours et nuits par des populations victimes de très diverses et réelles inégalités, et de plus confuses frustrations. Cette forme nouvelle et inattendue d’expression du mécontentement populaire, pacifique dans sa phase initiale, rejetant tout leader et toute organisation, a suscité une couverture importante des médias, notamment des chaînes d’information continue.
Le succès croissant du mouvement, dont les sondages attestaient d’un réel soutien de la population, conjugué à l’inertie relative du gouvernement, ont sans doute été les facteurs déclenchants d’une recherche de supplément de considération, qui s’est concrétisée par la ritualisation de rassemblements hebdomadaires dans la capitale. Ces différents «actes» se sont progressivement institutionnalisés et étendus à plusieurs métropoles françaises. Aux visages débonnaires et aux cortèges bon enfant du début, se sont peu à peu agrégés d’autres profils et d’autres défilés. Après le calme des rondpoint survint la tempête de violences inouïes. Au grand dam des gilets jaunes désolés d’être infiltrés par des belligérants dont les motivations étaient radicalement étrangères aux leurs. Cette désillusion faisait à l’inverse le plus grand bonheur des «black-blocs», ces manifestants dissimulant dans leurs sombres vêtements, outils et matériels destinés à agresser les forces de l’ordre, piller les commerces, incendier poubelles et véhicules ou encore dégrader bâtiments publics et institutions privées, de la finance et du luxe en particulier. À chaque «acte», les grandes villes françaises et Paris sont ainsi devenus le théâtre de scènes de guérilla urbaine spectaculaires. À l’image de la tentative d’intrusion dans les locaux d’un ministère par des manifestants ayant dérobé un engin de chantier, ou de l’exfiltration d’urgence du Président de la République venu constaté les dégâts causés par l’incendie de la Préfecture du Puy-de-Dôme. Au paroxysme de ces émeutes figurent l’attaque et la destruction partielle de l’Arc de Triomphe, le 1er décembre 2018. Ce déferlement d’incivilités et ce déchaînement de violences, s’accompagnera inévitablement d’un accroissement quantitatif des forces dépêchées sur le terrain pour tenter de prévenir et d’empêcher les exactions et d’une modification «qualitative» de leurs modes d’intervention. Cette tension extrême suscitera de nombreux excès dans les comportements individuels et collectifs des forces de l’ordre et entraînera la multiplication des dommages physiques, tant dans leurs rangs que parmi les manifestants. Ces batailles rangées abondamment relayées par les réseaux sociaux français et étrangers, ont généré de plus en plus de pertes de recettes pour les commerçants de proximité, comme pour les opérateurs touristiques, tous victimes de la désertion de clients littéralement terrorisés par le spectacle de cars de police et de pompiers sillonnant les rues toutes sirènes hurlantes, de sites et de magasins murés de protections et d’habitants calfeutrés chez eux afin d’éviter les tirs de grenades et autres gaz lacrymogènes…
Ces évènements auront causé d’immenses dommages collatéraux. Ils ont incontestablement nui à l’image de la France. Sa réputation d’enfant modèle de la République et de berceau du respect des droits de l’homme est sans doute assez robuste pour résister à cette crise, mais elle n’est pas indestructible, notamment face à la puissance dévastatrice des réseaux sociaux. Ils ont porté atteinte au développement économique du pays, comme le prouvent les chiffres récemment publiés d’un ralentissement de la croissance durant cette période. Ils ont aussi causé d’importants préjudices aux citoyens et aux différents acteurs dont le seul tort était de résider, de travailler ou de circuler à proximité des foyers où se sont déroulés les affrontements. Mais ils ont surtout mis en lumière l’extrême importance et la croissante complexité de la mission de maintien de l’ordre, dans une société qui se réclame de principes républicains et démocratiques.
Du manifestant «ennemi» au citoyen «momentanément en colère»
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