À l’occasion de la parution de son dernier livre, Ce qui n’a pas de nom, qu’il a l’effronterie courageuse de faire paraître aux Éditions Arfuyen, sous son propre label, Gérard Pfister devient un auteur « incontournable » de la poésie contemporaine, un mystique rare et un poète, à mes yeux, de toute première importance.
Certes, Pfister fonda, en 1990, avec François-Xavier Jaujard (Granit) et Michel Camus (Lettres vives) une revue, L’A u t r e , qui vécut le temps de 5 numéros ; il sut être non seulement un traducteur émérite (de l’allemand, de l’italien, de l’anglais et… du turc !) mais il prouve avec cette belle méditation écrite (Ce qui n’a pas de nom) qu’il est aussi un quêteur en spiritualité, fin et poète.
Une quête spirituelle de toute beauté
Dans son dernier volume, Gérard Pfister nous propose, ou plutôt nous offre, 1 000 aphorismes d’or, comme autant de « signes indéchiffrables ». Voilà le long chemine-ment intérieur de Maître Eckart et ça n’est qu’au chapitre V que Dieu, enfin, est nommé, sans doute parce que « le nommer serait le trahir ». Cependant tout, ici, s’articule harmonieusement. La lumière et le silence résonnent dans l’abîme de chaque mot. Tout est « visage de l’unité » (100), et « il n’y a rien d’autre/que le présent » (401). Pour la horde sacrée des chercheurs de Dieu, « il n’est pas d’instant pour nous/Qui ne soit une naissance ». Tout est, en définitive, « le sourire de la lumière/Sur la lagune ». L’orant se libère des mots. Il tire de son silence « Des oiseaux par milliers/comme si la mer volait » (813) et, au bout des litanies, « La lumière est un autre nom du feu/comme le souffle/un autre nom de l’air » (867). Tout ici, est suggéré, tout ne peut se comprendre qu’à l’aune de la durée d’une vie humaine. Pour trouver ou retrouver un chemin spirituel, qu’il soit catholique ou protestant, ou revenu du lointain Orient, il s’agit de dépasser « Ce que les yeux/seulement peuvent voir » (504) nous rappelle Gérard Pfister qui sait « contempler le silence » et « entendre l’innomé » (695). « Lorsque les mots enfin/savent chanter » (249), le poète rejoint « l’évidence du chant » (248). Alors Gérard Pfister sait faire marcher la nuit comme personne.
Jean-Luc Maxence
Gérard Pfister, Ce qui n’a pas de nom (Arfuyen, 2019), 19,50€.
Gérard Pfister, Collection « Poètes trop effacés » n° 4 (Le Nouvel Athanor, 2009), 15€