La liberté est toujours un état d’esprit, un état d’intériorité de la personne, un concept que je ne saurais écrire n’étant pas journaliste au départ. Je sais mieux dire qu’énoncer. La liberté est gratuite, totalement, ce qui la situe très loin de toute forme de communautarisme (cf. mon article précédent in R.B.L n° 13)., de racisme, d’antisémitisme, de sectarisme, de toute notion de propriété privée. La liberté se gagne jour après jour. Elle est un regard de lucidité à apprendre face aux âmes individuelles. Elle ne s’entête pas sur les formes, les limites, les particularités des uns, des unes et des autres. Elle se fait peu évidente, à force de vivoter plutôt que vivre. Elle est quête permanente d’une certaine harmonie qui libère de l’oxymore du bien face au mal. C’est un travail d’élaboration de toute une vie. Et on ne s’en approche vraiment qu’à un certain âge, du moins j’aime le croire afin de me rassurer quant au chemin encore à accomplir !
J’aime penser que, plus le temps passe, l’Esprit, en nous, ne cesse de grandir, de se développer. Le prix de la liberté n’a pas de prix. La liberté de la transcendance habite peut-être dans certains regards d’enfants. Les mots « ouverture », « largeur » sont des amis du mot Liberté. En religion, ceux et celles qui pensent que la Vérité ne concerne qu’un seul même Livre sacré pataugent dans l’erreur et le repli identitaire.
S’il fallait conclure – mais n’est-ce pas le contraire de la liberté ? Une contrainte qui la tue ? – je dirai que seule la vraie liberté, le contraire de l’emprisonnement d’un corps ou d’une idée ou d’une prière, est le résultat d’une individuation réussie, dans le sens jungien du terme individuation ». Apprendre à se détacher des apparences de la vie quotidienne, du clivage des communautarismes peureux, des instincts de rejet de l’étranger de soi, est une école de vie. Quand je dépasse tout ce qui m’incite à me recroqueviller sur mes réflexes d’égoïsme, quand je me libère des réponses toutes faites de mon environnement spirituel de proximité, de « ma maison proche » dirait peut-être le pape François, pour m’élargir le cœur, accepter mon corps, m’élargir le regard, vers notre « maison commune » (notre planète riche de tant d’êtres humains à aimer), j’apprends à être libre du dedans.
Ainsi, pratiquant mon métier de serveur dans un restaurant persan à Paris, j’ai peu à peu appris à aimer mes collèges nés au Shri Lanka, j’ai appris au surplus à apprécier mes camarades arabes, j’ai appris la liberté d’aimer et d’aider par-delà les différences de traditions, par-delà l’amour de la patrie, et je me suis comme « élargi » à la dimension de l’amour véritable. C’est un peu tout cela être un « éternel apprenti » de la liberté, et recevoir ladite Liberté comme un cadeau, comme du pain. Je n’ai peut-être pas à ma disposition la panoplie des mots pour le dire. Je suis dans un élan, dans une énergie, dans un désir de vivre large, plus large encore, avec le cœur, avec tout moi, mon cœur, mon corps et ma faim de spiritualité C’est peut-être cela ma démarche folle d’épouser la liberté en dernière instance.
Michaël Lévy-Bencheton