Pourquoi la série Orange Is The New Black (1) change notre regard sur la prison
Vous êtes quelqu’un de bien. Vous avez un petit ami sympathique et allez lancer une marque de savons bio. Et voilà que votre passé vous rattrape. Pour avoir transporté une valise d’argent sale, 10 ans plus tôt, vous êtes condamnée à 15 mois de prison. C’est ce qui est arrivé à Piper Kerman, auteure de Orange Is The New Black, My Year In A Women’s Prison (L’orange est ma couleur, mon année dans une prison pour femmes), livre transformé par la société de production Netflix en série à succès.
15 mois sur une île ?
Avant de se présenter à l’entrée de la prison pour femmes de Litchfield, l’héroïne, Piper, imagine les mois à venir comme une retraite sur une île. Elle envisage d’en profiter pour lire de nombreux livres et apprendre une langue étrangère. Elle se voit se reposer dans une cellule. La réalité de Piper sera bien évidemment totalement différente. Très vite, elle découvre qu’elle ne pourra survivre – et même manger, même si c’est infect – sans se faire des amies, c’est-à-dire rendre des services. Qu’il faut choisir les bonnes alliées et qu’il y a peu de chances d’intégrer les différents groupes déjà constitués (noires, latinos, vieilles, etc.) qui s’affrontent pour l’accès aux douches et aux meilleures couchettes. Que la gentillesse et la révolte contre l’injustice ne sont pas les armes les mieux adaptées. La série doit son succès immédiat à ses deux premiers épisodes qui posent clairement cette question : et moi, qu’est-ce qui me permettrait de survivre en prison ? Piper va rapidement se réconcilier avec la formidable cuisinière, Red, l’une des déesses tutélaires de Litchfield, en fabriquant avec trois fois rien une crème efficace contre le mal de dos. Et moi, qu’ai-je à vendre ? À part mon corps éventuellement, bien sûr, car si dans les prisons pour femmes la violence règne moins en maître, le sexe est omniprésent. À la fois réconfort, passe-temps, monnaie d’échange ou signe d’une histoire d’amour durable, il ne choque queles gardiens et le monde « dehors ».
Suis-je quelqu’un de bien ?
Toutes ces femmes qui peuplent l’univers de Litchfield, ont-elles eu des vies, des environnements familiaux qui les destinaient à la prison ? La réponse constitue la deuxième surprise de Orange Is The New Black. Bien sûr, Piper se dit qu’elle n’a rien de commun avec ces délinquantes, elle a juste aidé une amie, un jour. Petit à petit, les histoires personnelles se dévoilent et le spectateur découvre qu’elle n’est pas la seule qui a, simplement, pris une mauvaise décision, un jour. Crazy Eyes, qui fait si peur à Piper, est une petite fille noire adoptée par des riches parents blancs, qui n’a, un jour, plus supporté les moqueries sur sa couleur. Il y a, parmi les incarcérées, un père de famille qui ne pouvait financer son changement de sexe de manière légale. Le spectateur se demande longtemps comme une hippie toute douce a pu en arriver là. Cette dernière a tiré vers les buissons pour protéger sa plantation de cannabis et ainsi tué un enfant. Très vite, le spectateur, comme Piper, se prend d’affection pour ces héroïnes tragiques. Qui rêvent de recommencer leur vie, mieux et autrement, et qui échouent car rapidement plus personne ne les attend à l’extérieur.
Une critique du système carcéral américain moins réussie
Après les deux premières saisons, la série baisse nettement en qualité, car elle quitte son objectif initial pour montrer les défauts et les bassesses capitalistes du système carcéral américain. Et pourtant, avec des filles de Litchfield toujours aussi formidables, les spectateurs restent nombreux.
Susanne Brouchet
(1) Orange Is The New Black, série télévisée américaine créée par Jenji Kohan, diffusée depuis 2013 sur Netflix. 5 saisons sont déjà sorties, une sixième est en cours de tournage.