Raël, je ne connaissais pas vraiment. J’avais ouï dire que c’était une secte assez portée sur la liberté sexuelle dans un style très années 70, qu’ils croyaient aux extra-terrestres, et que certaines de leurs adeptes avaient une fâcheuse tendance à manifester les seins nus, au grand dam des adeptes de l’abaya, cette robe longue que certains islamistes pensent indispensable à une pratique rigoriste de l’islam. A part, ça, rien.
Digne du Bureau des Légendes
Mais tout à coup, le titre d’un article du Figaro a capté mon attention sur Google Actualités : « Infiltré dans la secte Raël, un journaliste du Figaro révèle les secrets de son enquête » ! L’article, interview d’un jeune journaliste qui répond au nom d’Etienne Jacob, indiquait aussi « j’ai mis plusieurs jours à m’en remettre ». Oulala… Ma curiosité piquée au vif, je me plongeai avec délectation dans cette enquête qui promettait d’être passionnante.
Ledit Etienne commençait par expliquer que pour participer pendant une semaine à une « Université du bonheur » organisée par les raéliens, il avait dû recourir à un subterfuge digne du Bureau des Légendes : il s’était construit une fausse identité d’agent immobilier qu’il a travaillée pendant des semaines avant de participer à l’Université en question. Il a dû faire disparaitre les photos de tous ses réseaux sociaux, changer son nom dans son téléphone, créer une fausse adresse email, dissimuler ses papiers d’identité, etc. Mais quel courage !
Et la déontologie ?
Bien-sûr, d’un point de vue déontologique, c’est pas joli-joli (mais ça, notre journaliste en herbe oublie de le signaler. A moins qu’il ne le sache pas). En effet, la charte d’éthique professionnelle des journalistes du Syndicat National des Journalistes (SNJ) proscrit « tout moyen déloyal… pour obtenir une information ». La « Charte Mondiale d’Éthique des Journalistes » de la Fédération Internationale des Journalistes a un contenu similaire : « Le/la journaliste n’utilisera pas de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des images, des documents et des données. Il/elle fera toujours état de sa qualité de journaliste et s’interdira de recourir à des enregistrements cachés d’images et de sons ». Mais il y a des exceptions bien sûr. La première charte mentionnée indique en effet « sauf dans le cas où sa sécurité, celle de ses sources ou la gravité des faits l’obligent à taire sa qualité de journaliste [auquel cas] il prévient sa hiérarchie et en donne dès que possible explication au public ». J’en tirai immédiatement la conclusion que notre reporter allait expliquer le grave danger qu’il avait couru sans tarder.
Et en effet, la justification était de taille ! A la question « Pourquoi avoir décidé de vous infiltrer sous anonymat ? », l’homme répondait sans ciller : « Pour recueillir les meilleurs témoignages. Je suis habitué aux mouvements de ce type. Ils n’aiment pas les questions et détestent les journalistes. » Et là je m’interroge. Sait-il, Monsieur Jacob, que malheureusement pour la profession, beaucoup de gens n’aiment pas beaucoup les journalistes ni n’aiment répondre aux questions ? Et a-t-il pensé à demander à ces raéliens, certes extrêmement dangereux, mais tout de même, s’il pouvait les interviewer, avant de décider de se dissimuler sous l’apparence d’un inoffensif agent immobilier ? Apparemment non, mais ne pinaillons pas, le danger était peut-être bien réel, et j’espère bien en avoir le cœur net en continuant ma lecture de l’interview.
Un danger insupportable, une frayeur extrême
Me voici à l’affut du danger. Qui tarde à venir. En fait je cherche, et mis à part la terreur du journaliste (« En fait, avec le recul je me rends compte que j’ai eu peur en permanence. La journée, je faisais attention à tout ce que je disais, ce que je mangeais. J’avais peur que ma chambre soit fouillée. J’avais peur d’être drogué. La nuit, je restais aussi sur mes gardes », dit-il), il n’y avait rien… Quant à sa peur, est-ce que quelqu’un aurait pu expliquer à Etienne que lorsqu’on ment sur son identité, on a souvent peur d’être découvert ?
Ah mais finalement, enfin un moment dangereux : notre petit grand reporter nous apprend qu’il a dû partager son bungalow avec 2 quinquagénaires et un homme de 70 ans, et que ce dernier avait un comportement étrange : il lui posait des questions insistantes, et se promenait nu dans le bungalow (il semblerait que certains raéliens soient adeptes du naturisme, une pratique parfaitement légale en France). « Était-il simplement maladroit ou attiré par moi ? », se demande Etienne… « j’ose même dire que j’ai eu peur qu’il tente de me violer », ajoute-t-il. Ah oui, ça c’est sérieux. Mais de viol, point. Pas même de petite tentative d’attouchement. Alors, notre Tintin des faubourgs n’est-il pas un peu peureux ? Peur d’être drogué ? Pas de drogue. Peur d’être violé ? rien. Mais c’était sans compter sur la plus grande peur de toutes : l’emprise mentale !
Le câlin de l’emprise
Vous vous sentez vide en repartant, et regrettez de ne plus y être. Après tout, danser, chanter, vivre d’amour et d’eau fraîche, sans penser, peut paraître, une fois encore, attrayant.
Etienne Jacob à propos de la communauté des raéliens
Parce que là, on a du lourd ! Si Monsieur Jacob reconnait que Raël lui-même n’exerce pas d’emprise mentale sur ses fidèles (surtout du fait de son absence, faut-il ajouter), « en revanche, les membres, eux, prodiguent une chaleur humaine qui pourrait perdre n’importe qui. On se sent important, choyé. Les gens font tous des câlins, sont extrêmement tactiles. On peut facilement se laisser aller à un “pourquoi pas, après tout ?”, tomber dans leur piège. En l’espace de quelques jours, j’ai ressenti les prémices d’un véritable processus d’emprise mentale. » Ça, c’est grave ! et je soutiens avec force le pauvre reporter dans son combat : il faut interdire les câlins ! Le câlin, c’est extrêmement dangereux. La tactile, c’est la porte ouverte au lavage de cerveau. Et je sais de quoi je parle, j’ai fréquenté des Italiens et des Congolais !
Et pour enfoncer le clou, Etienne avoue qu’il a failli devenir raélien : « Vous vous sentez vide en repartant, et regrettez de ne plus y être. Après tout, danser, chanter, vivre d’amour et d’eau fraîche, sans penser, peut paraître, une fois encore, attrayant. Le monde du travail et ses agressions semblent bien loin. » Ce qui a provoqué une détresse telle qu’il lui a fallu « plusieurs jours pour se remettre en état sur le plan psychologique ».
Ouf, on a bien cru qu’on allait le perdre.
Une humble recommandation
Bon, si nous avions tout de même un conseil à donner à notre apprenti journaliste (loin de nous l’idée que nous soyons qualifié pour avoir l’outrecuidance d’apprendre son métier à un tel héros du reportage immersif), ce serait de contacter par exemple Jean-Marie Montali, ancien directeur de la rédaction du Figaro, et grand reporter ayant passé des mois en Afghanistan avec le Commandant Massoud, ayant couvert la guerre en Irak, grimpé l’Everest, plongé avec des requins blancs, etc., et de voir s’il peut prendre des leçons.
Et puis, une fois qu’il sera armé et libéré de la peur, pourquoi ne pas infiltrer DAESH ? Ici à Rebelle(s), nous nous réjouissons par avance d’un tel noyautage, et promettons alors de ne plus nous moquer.