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Mémoires Démasqués : chapitre 1

Jean-Luc Maxence Par Jean-Luc Maxence
27 février 2022
dans Mémoires Démasqués, Littéraire(s)
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Ce premier chapitre des MÉMOIRES DÉMASQUÉS de Jean-Luc Maxence est le début d’une série de 20 chapitres d’ores et déjà acceptés chez un éditeur de renom et proposés en avant-première exclusive. Le webzine REBELLE(S) fera paraître désormais ces MÉMOIRES DÉMASQUÉS de leur directeur, avec joie, après une demande commune d’Eric Roux et d’Eric Desordre.

 

Rimbaud n’est pas mon cousin. Même sur le banc d’un jour de défilé du 14 juillet. Des visages et des paysages surnagent dans ma mémoire. Je tente de les inscrire  au fur et à mesure de mes souvenirs, ils font trace sur le chemin.

Puzzle épars, que veux-tu me dire sur le parquet ciré de mes dix ans ? Le cercueil de mon père était ouvert quand cette vieille cruche de grand-mère exigeait, au nom de Jésus et de la Vierge Marie et de tous les Saints de Bretagne et d’ailleurs, que je m’agenouille pour prier et accepter.

Je ne savais pas encore qu’apprivoiser la mort prenait toute une longue vie. Dans ma naïveté de départ, je croyais que tout Golgotha ne comportait qu’une seule station…

Je venais d’un temps où les masques sanitaires se croisaient dans les rues de la ville au nom d’une épidémie de Sainte Frayeur baptisée Covid 19. On mettait des barrières à l’amour et des barricades aux Révolutions majuscules. On se poussait du coude pour ne pas attraper le virus du désespoir.

Mon grand voyage, ma biographie d’avant, n’intéressait pas grand monde. Je le savais et le déplorais.

Mes doigts tremblaient. Et tremblent encore. Je titille une cicatrice cachée qui me brûle encore et saigne, parfois, en secret et au secret de ma solitude. J’ai du accepter que l’amour fraternel se fasse d’abord et avant tout avec les yeux. Ne dit-on pas couramment « manger des yeux » ?

Aujourd’hui, mes doigts de vieillard dansent dans le vide et ma sueur avouée est celle de l’ensemble de la planète manifestement en égarement général. Je fais des signes à la nuit tombante comme si elle devait durer éternellement. Je me fabrique des confidents afin d’atténuer mes douleurs. Je m’impose des masques partout, même, invisibles.

J’entreprends l’exploration méticuleuse de mes cryptes inavouables qui firent de moi une ombre rimbaldienne en échec. Je m’accorde le temps du silence et du langage créateur. Je joue avec les mots et les peurs, et me souviens soudain de la toute belle Ghislaine criant à la cantonade : « Dieu des préservatifs que n’étiez-vous là ! ».

Tout est puzzle sans signification dans mon existence revisitée. Tout est psaume d’avant-garde sans prendre garde de ces paquets de cadavres qui bougent encore sans raison ! Tout est décrit de mémoire inventée quand une ambulance immobilisée en plein trafic, aux heures de pointe, klaxonnait et que ma sainte mère accouchait de moi avec ses quarante ans de prétendue stérilité, hurlant de douleur.

Dans nos familles, avoir des enfants plaidait pour notre bon monde bourgeois et généreux. On en adoptait pour la galerie. Avec des façons pareilles, ô Michel, Jérôme et Rémy, ne jouez plus les étonnés, vous n’étiez que des frères adoptifs, des frères d’occasion faisant l’honorabilité de notre père, ce larron fasciste, à peine échappé des ombres à oublier.

Si j’avais su que tu étais adopté, j’aurais peut-être éprouvé moins de honte, Rémy, d’être par toi sodomisé ? Qui peut le savoir ? Quel Lacan de Prisunic à l’heure d’explorer l’inconscient ?

Chaque crépuscule met en moi je ne sais quelle gravité inguérissable d’handicapé à vie ? Et mon absolu désir d’infini est éternellement présent tel un perpétuel frisson  de l’âme, comme un retour de dégoût profond et de douleur.

Rue des Granges, à Genève, près de la cathédrale, se trouvaient les locaux de mon instituteur français qui m’enseigna notamment le désir du Vrai. Jadis, il me fit même comprendre avec tact que mon père n’en n’avait plus pour longtemps et que sa mort allait advenir.

De mon âge de craie, je ne retiens que l’idée d’un escalier étroit qui menait à un minuscule cabinet d’aisance où l’onanisme bleu de l’enfance innocente se heurtait aux interdits moraux catégoriques des adultes helvètes et calvinistes. De toute façon, mes toutes premières années ont des yeux troubles, elles n’émettent que des rayons de triste opacité.

Te souviens-tu de l’hiver 1956 ? Il gelait à cœur fendre sur les rives du lac Léman, tant et plus qu’on y patinait dessus pendant que les tanks soviétiques écrasaient la Révolution hongroise, à Budapest. Avant de mourir, mon père évoquait le temps de la barbarie froide et rouge, le rideau de fer, le mur de la Honte… La planète tremblait à force de voir rouge sang. Les nations occidentales, le mot de liberté plein la bouche, laissaient courir de peur de mettre le feu définitif aux poudres de l’Apocalypse nucléaire. Les grands discours outrés fusaient. La figure d’Imre Nagy flottait sur les usines et les universités du Danube. Et  j’entends encore le speaker de « Radio Sottens » annoncer que là-bas, « on brûlait les portraits de Staline », « on brûlait l’asservissement et la tyrannie ». En fait, on ne brûlait pas grand chose. Et il fallut bien des cadavres encore pour que Staline, en Europe,  soit déboulonné de son piédestal idéologique.

Cependant, pendant tout le temps de l’insurrection magyare, Genève restât banquière et froide du cœur comme l’indifférence calculée d’une légère baisse à la Bourse…

J’étais alors haut comme dix pommes trop croquées quand je devais traverser le pont du Mont Blanc pour atteindre la « haute ville », en dépit du gel et de la bise locale.

Mon paternel, Jean-Pierre Maxence, philosophe néo-thomiste de derrière les fagots de la Collaboration, exilé en Suisse, mourut d’un cancer du fumeur, cette année-là. J’avais à peine défini mes intimes désirs et les ailes géantes de mon orgasme massacré par mon frère Rémy, j’avais à peine rangé le tricycle grenat, symbole de mon innocence enfoncée.

À dix ans, je me cachais déjà sous mon pupitre de chêne, alors qu’un petit camarade et moi, faisions un concours pour savoir lequel des deux jouirait le plus vite, en serrant et relâchant nos cuisses impubères afin de maintenir royales nos premières érections d’homme.  C’était ainsi : l’appel du corps nous taraudait déjà, nous avions des poings fermés sur l’étonnement timide d’un entrejambe si vite humide. Je n’avais pas encore été expédié à l’hôpital d’urgence pour être reconstruit tant bien que mal après le viol violent  de mon frère Rémy. Mais j’étais déjà son petit  amant encore « gentil » et doux.

Je découvrais très tôt, d’un trait de feu, tout un univers de sensualité ardente au simple contact d’un slip trop étroit. Je visitais les étoiles en quelques secondes d’abandon, et je me retrouvais la honte blanche au bout des doigts, ou même la peur d’avoir été surpris par le surveillant d’études qui n’avait, de toute façon, rien à redire des sèves soudaines qui montent, lui qui n’arrêtait  guère de porter sa main droite à la fermeture éclair de sa lourde braguette, comme pour s’assurer qu’elle gardait encore tous ses secrets.

Émoi du corps brûlé. Éveil du fauve à venir, en quête d’orgasmes. Et les attributs du lion se balancent tristement en attendant la venue d’une reine des lieux. Tout paraît presque simple à dire avec le recul des années. L’homosexualité est induite (« la mixité à l’école, c’est dangereux ! » disait-on pourtant à cette époque) quand il y a assaut dévastateur, prise de force, éventrement.

Un psychanalyste s’amuserait peut-être à retracer mon itinéraire d’alors. En effet, je débutais mon existence sur cette planète à deux spasmes de la mort. Mon futur praticien, Xavier Audouard, ami de Jacques Lacan,   allait avoir l’occasion de tirer encore et encore  sur sa bouffarde de bois en murmurant « Continuez, continuez ». Pourtant, il n’y avait rien à poursuivre puisque tout avait si mal commencé !

La toute première femme que je lorgnais sans voile, devait être ma créatrice. Modèle mère identificatoire : Hélène Colomb, la petite fille du dessinateur Christophe, vous savez, le créateur de la Famille Fenouillard, du savant Cosinus, du sapeur Camember et de Plick et Plock… Hélène Colomb, sombre romancière oubliée, caporale dans ma vie, espèce de Simone de Beauvoir inversée, qui ne pouvait que tomber amoureuse de mon père, journaliste à la Une du Maréchal Pétain, quand il hurlait, en 1936 : « Si jamais nous prenons le pouvoir, voici ce qui se passera : à six heures, suppression de la Presse socialiste ; à sept heures, la franc-maçonnerie est interdite, à huit heures, on fusille Blum ! ». Ma mère, c’est bien elle la première femme que je vis nue, Eve et mère. Elle devait être belle si j’en crois les photos jaunies de ce temps-là.

Cependant, le premier mâle que je découvris conquérant et fragile tout à la fois, Adam musclé, ne fut pas mon procréateur (très tôt les métastases l’emportèrent).

Je suis né à jamais du viol fou de mon bel amant de frère, un Apollon, celui-là. De si fière allure, à vingt ans, que j’en fis vite une idole obsédante, un cauchemar, un garde-chiourme.

Vers toi, Rémy, je crie encore en silence. Je crie en pleine nuit de ce voyage tragique de nous deux. J’attrape encore des sueurs froides quand ton fantôme me tourmente, quand tout me fascine de toi, et surtout le sperme des étoiles. De toute façon, tout meurt au fil des naissances et des violences extraites de mes souvenirs. Dans mon existence, élan vital et mort s’accouplent et se conjuguent de concert sur le ring sanglant des mes nuits louches. Pour m’échapper de la démence de tant de loups interchangeables, de tant de monstres à double tête, j’ai changé en vain de visage, de sexe, de haute ou petite tenue, vingt fois plus qu’à moitié. J’ai brisé des centaines de miroirs en espérant apercevoir mon authentique portrait une bonne fois ! Et je n’y ai vu que du Feu. Pas même mon propre visage banal dans la glace, celui que tint en souriant mon parrain de loge maçonnique.

Le patchwork semble mon code secret, mon poème sauvage, mon aspiration profonde et continue, ma perdition.

Le puzzle de ma vie manque de morceaux essentiels sur la table tournante imaginaire où s’échafaude ma légende de faux héros et de lâche. De « Très Sage » de pacotille. Au bout du fil, quand tu m’appelles, ô mon amour, il n’y a jamais personne de présentable même pour la galerie des imbéciles.  Et il ne me reste, au bout de mes insomnies intenables, que le souci permanent  de « rassembler ce qui est épars », de soulever avec adresse le voile opaque qui masque la vérité des êtres et des cœurs.

Nous nous aimions pour aller où ? Vers quel port d’attache ?

Le compte de ma vie ne tombe jamais juste. Bilan exécrable d’une marche en solitaire, en rêvant d’être deux.  C’est un bilan de faillite, de fiasco minable, en lieu et place d’un credo tranquille et sûr comme une religion constituée, balisés d’interdits catégoriques, de dogmes et de leurres de bénitier. Et de fausse Sainte Vierge.

Souvent, j’ai préféré lâchement jouer les victimes et les mythes. Jouer l’initié du musée des horreurs, et des nombrils cachés sous des tabliers décorés.

Ne le dites à personne, mais je suis Chevalier du soleil levant et contagieux.

Vérité sordide : on m’a sodomisé mes plus belles illusions bien avant l’âge de raison ! De là, tous mes désenchantements se sont accumulés, toutes mes puretés ont été souillées dans les lieux d’aisance de Satan et j’ai touché, du doigt, la douleur.  Et je crie encore dans la profonde nuit  des villes, mes brûlures trop tôt endurées pour me laisser intact au petit matin.

J’ai été cloué comme un vulgaire papillon tout vivant que l’épingle du collectionneur fait qu’il bouge et bougera jusqu’à la fin de l’aube dans la petite chapelle de Bricquebec quand les trappistes, mes frères, chantaient Laudes à des heures impossibles, et que les vitraux du Bon Dieu étaient envahis de lierre vert.

J’ai fait le mur du couvent pour rejoindre l’une des belles paysannes de la ferme d’à côté. Cela n’est pas de ma faute, même pas de ma très grande faute. Elle avait une si brillante poitrine, et des reins de Sainte Vierge à  Notre-Dame de Lourdes ! Il était vain de vouloir  résister à son charme et je voulus lui faire l’amour  jusqu’à l’épuisement de tous les psaumes de louanges. Elle avait une taille pas très catholique et j’étais un moine trop farouche pour faire long feu.

J’aurais voulu entrer tout entier en liturgie perpétuelle. Écrire la richesse intérieure des Hommes, et m’en aller tout droit vers le soleil levant.

J’avoue : j’avais rêvé de fortunes monacales. Je le redis : ma planche de salut aurait dû se fixer du côté du silence louangeur, à l’aubaine de Ta Lumière. Mais le sexe lourd de Rémy, lourd et répétitif,  et la fièvre du temps présent, m’attirèrent vers le Diable. À l’évidence, je me suis toujours donné des rendez-vous manqués. De là, tous mes malheurs sont advenus. Je ne suis qu’une bougie en prière muette, hésitante à durer, en plein courant d’air.

J’inventais Dieu de toutes pièces. Je le traduisais en litanies sans fin. J’étais l’Homme de tous les silences peuplés. Je cherchais au ciel toutes les consolations. J’avais hérité des valeurs de l’inquiétude. Quand mon géniteur quitta ce monde en philosophe, la tribu familiale me mit à Saint-François de Sales, collège et petit séminaire à la frontière franco-suisse.  Les bons curés firent de leur mieux. En tâchant de tirer à eux la couverture de ma soudaine conversion. Pourtant, mes professeurs m’ennuyaient ferme. Je n’aimais ni le latin ni l’allemand. Le R.P. B… bégayait ses recommandations sucrées. Et je me fis séminariste pour le voir sourire. Il avait la bouche peuplée de contes de fées et le regard émerveillé. J’aimais beaucoup son cours de catéchisme très catholique. J’apprenais par cœur les réponses de l’autel, ses manigances de Lumière. Dieu était infiniment je ne sais plus trop quoi. Pour lui plaire, il fallait avoir un cœur brisé et broyé. Sa grande miséricorde enlevait tous mes péchés. J’aimais flirter avec les miracles annoncés. Dans la « boîte » sombre du confessionnal, je me croyais saint et sauf, et purifié, une fois par semaine.

« Ils » voulurent tous m’éloigner de Rémy, mon tentateur ! M’éloigner de sa honte portée, penaude, entre ses jambes. Ils voulurent me tirer de sa boue. Ils voulurent que les flots ne me submergent pas, que la gueule du puits ne se referme pas sur moi. Ils étaient sûrs du refuge qu’ils me proposaient. En fait, ils m’offrirent un sanctuaire tout saccagé, en ruines !

Chez les Jésuites, les monstres marins, sournois, profanaient contre un sosie de Rémy qui avait une soutane noire, laquelle cachait mal un perpétuel désir de sanglier. Le Révérend Père G…, dans sa chambre perchée tout au bout d’escaliers de bois interminables, bandait tel un phoque au milieu des ténèbres quand il nous convoquait chez lui sous prétexte d’évoquer nos insomnies louches.

Oui, depuis des lunes, le Très Haut est bien bas sur toute la Romaine église, dans les petits séminaires de Ville-La-Grand ou d’ailleurs !

« Et maintenant, mes chers enfants, confiez vos âmes à Dieu afin que la tentation de la chair vous épargne et que le sommeil réparateur vous recouvre de sa miséricorde »…

Ce jour-là, le Révérend Père de mes deux qui était dans la force de l’âge voulut absoudre d’une bénédiction reptilienne la braguette maculée de mon pyjama d’éphèbe séminariste. Mais il tomba sur un os : je connaissais jusqu’à l’horreur la chanson triste et je pris peur. Je m’échappais de sa chambre et me hissais sur les toits du pensionnat tel un chat schizophrène. J’hésitais longtemps à sauter ou à ne pas sauter dans le vide. Léviathan devait me regarder droit dans les yeux. Là-bas, tout en bas, dans la cour de récréation, les bons pères craignaient le pire : « Faites quelque chose, il peut sauter, c’est l’enfer, faites quelque chose, Seigneur Jésus ! ».

J’ai fait ce que j’ai pu afin de me maintenir en équilibre à flanc d’abîme. On me crût en caoutchouc. Je me suis sauvé tout seul.

À Ville-La-Grand se situe le grenier de mon passé de mauvais garnement de la Lumière. A Genève, aussi, rue des Contamines, j’ai connu l’enfer des sodomies barbares. Plus tard, à Paris, rue Henri Monnier, j’ai appris l’amour des femmes faciles. D’une putain à l’autre, d’une légende à l’autre. D’ailleurs, je suis une légende à moi tout seul ! Je cache mes petites affaires anecdotiques dans mon slip intenable, en bonne société, même dans l’obscurité. J’aime le mythe de Blaise Cendrars retrouvé par hasard dans un sex-shop de la rue de la Gaieté triste.

J’ai toujours rêvé, au fond, de gloire et de reconnaissance. Sous le règne de Jacques Médecin, quand Chichi chiait partout sur les huiles de l’édition nationale et que Jacques Thieuloy jouait les anarchistes sur les ondes de Radio Libertaire, j’allais chez Serge Gainsbourg pour lui tirer les vers du nez. Il n’y avait que Jane, devant le piano black, tel un cercueil nègre dans un salon de ténèbres à la Francis Bacon. Et Serge prenait des allures de petite frappe pour m’assurer que la poésie moderne, c’était de la merde, ou presque, du caca à la  Michel Butor revu par Rimbaud… D’ailleurs, pour lui, il n’y avait que Rimbaud et que lui, et la certitude qu’il était un grand peintre raté déguisé en chanteur sans voix.

En quelles années ? Que vous importe, n’est-ce pas ! Ce qui m’énerve, c’est de ne pas arriver à me souvenir avant même de partir ! C’est bien cela le désastre de l’horloge qui tue. Temps bourreau, temps guillotine. Au delà des minutes et des heures, des midis et des minuits, je suis le fils d’une charogne de Vichy et le beau-fils du Grand Papa René Gillouin quand il était l’ami du Maréchal Pétain et qu’il lui déconseillait d’épingler l’étoile jaune sur tous les juifs du monde !

Je crache sur mes parents. Je suis sauvé. Faites venir les Vierges miraculeuses, le petit est sauvé ! Même dans le placard des tortures, je bandais de peur. « Out’es » ma sauvé la vie en donnant des coups de marteau dans la porte de l’armoire où Rémy m’avait enfermé tout nu, pour mieux voir mes fesses !

J’avais pourtant un fabuleux copain de mon âge. Il s’appelait Jean-Pierre. Il est mort il y a peu. Il était socialiste. Socialiste à Genève, autant dire qu’il n’était ni progressiste ni révolutionnaire, plutôt prudent et généreux. Nous aimions le hockey sur glace. Le club de Genève s’appelait le Servette H-C. J’en gardais les buts.

Très tôt, je me pris pour un futur grand écrivain, plus célèbre que Jean-Edern, l’aristocrate breton de la Closerie des Lilas. En réalité, c’est à dix ans que j’atteignis l’âge dit de raison. Et j’aime entremêler toutes les dates de mon grandissement. Philippe Sollers me fascina très tôt. Sait-il même qui je suis encore ?

Et Jacques Chirac ? Quel âge avais-je quand il me serra la main au Centre DIDRO, à la belle époque ? Je confonds toutes les dates, toutes les villes, et pourtant je sais que ma gourou Marie-Magdeleine Davy habitait rue Racine, au 23. Elle fumait ces cigarettes comme une tapée. Et je venais la visiter une fois par semaine pour apprendre à mieux survivre. Elle possédait un appartement plein de livres, et je passais vite, du rez-de-chaussée aux toits, en priant, de l’ascenseur à chez elle. Elle avait une cicatrice qu’elle cachait mal dans ses doigts ouverts en triangle. Elle habitait au dernier étage de l’immeuble de la Librairie Chambelland, quand Guy portait ses bacantes libertaires et qu’il accepta même de m’éditer quelques poèmes parce que, surtout, j’aimais l’œuvre de Yves Martin le magnifique marcheur. Mais je mélange tous les paysages et les tableaux et les scénarios.  En vérité, j’étais né dans les bras d’un couple particulier, à Montmartre,  non loin de la butte, à l’enseigne  du CERF-VOLANT, revue bleue qui avait été fondée par Jean Cocteau lui-même et animée par un couple de lesbiennes très mondaines ! D’ailleurs, René Garcia me montra un jour une étonnante photographie inédite de Jean Marais à la plage, nu et proche de Cocteau, béat.  Par la fenêtre, on y voyait les escaliers pittoresques menant au  Sacré-Cœur. Le CERF-VOLANT édita mon tout premier recueil, une histoire de « Ciel en cage ».

J’adressai le livret à Louis Aragon et à Pierre Seghers. L’un et l’autre me répondirent et m’encouragèrent  à poursuivre. Je suis né à partir d’eux. Que voulez-vous qu’il m’arrivât désormais ? Quel âge avais-je donc ? 20 ou 22 ans ! À faire pâlir de jalousie mondaine, Bruno Doucey et Compagnie !

Depuis lors, revenu de toute violence, je décrétai que la Résurrection existait. Étant promu dans l’Ordre de la poésie éternelle, j’abandonnais ma peur adolescente et je me crus invincible : j’étais poète. Un poète baptisé comme tel. Que pouvait-il donc m’advenir de véritablement fâcheux sous le regard de  l’éternité ? Rimbaud n’était décidément pas mon cousin.

(A suivre)

Tags : Jean-Luc Maxencelittératuremémoires
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Jean-Luc Maxence

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Poète, critique, journaliste et essayiste (René Guénon, Jean Grosjean ou Carl Gustav Jung), Jean-Luc Maxence (né en 1946) a dirigé au plan thérapeutique une association nationale de prévention des toxicomanies (le Centre DIDRO) et fut le président de la délégation Française de l’A.P.E (Association Européenne de Psychanalyse). Il co-dirige, avec Danny-Marc, son épouse, à Paris, les éditions Le Nouvel Athanor et la revue LES CAHIERS DU SENS (30 numéros parus en trente ans). Il a créé le bimestriel REBELLE(S). Son œuvre poétique faisait écrire à Pierre Seghers : "J’aime cette rage écrite, contenue, ce masque arraché".

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