Cet ouvrage sort de la pénombre celui qui sera sans doute reconnu comme l’un des grands musiciens contemporains. Philip Glass mériterait cette reconnaissance en tant que compositeur-phare de la musique minimaliste apparue dans les années 1960 aux États-Unis. S’il n’est pas l’inventeur de ce genre, il est celui qui aura réussi à le populariser, alors que ses confrères les plus célèbres, La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich ou John Adams, ont maintenu leur travail dans une certaine confidentialité et ont semblé éprouver une certaine jouissance de l’élitisme dans lequel ils l’ont cantonné. Il aura également eu le mérite d’enrichir les fondamentaux de cette musique par les influences auxquelles il s’est ouvert, au rang desquelles figurent Bach, Mozart, Beethoven, mais aussi Schubert, Bartók, Schoenberg, Chostakovitch… et Ravi Shankar qui lui donnera les clés des harmonies de la musique indienne. De nombreux musiciens de la pop génération se réclameront de son influence et il travaillera même avec certains d’entre eux tels que Paul Simon, Suzanne Vega, Mike Oldfield ou Léonard Cohen. Comme son appellation française l’indique, la musique «répétitive» proposée par Philip Glass repose sur la répétition et s’exprime aussi bien dans des opéras, des symphonies, des concertos que dans des musiques de film, de théâtre ou de ballet. Il serait le compositeur d’opéras vivant le plus joué au monde.
Mais la reconnaissance pourrait également provenir de son parcours qu’il narre au long de «Paroles sans musiques» avec une simplicité et une précision rares. Tout est dit, rien ne semble caché, tout est assumé, comme des tranches qui progressivement constituent un pain dense et goûteux.
Les unes sont des galères « alimentaires », vécues adolescent à New York ou plus âgé à Paris. Les autres sont des bonheurs terrestres immédiats, comme ceux ressentis lors des « road-trip » qui lui ont permis de parcourir les États- Unis au guidon d’une BMW achetée avec ses premiers sous. Les hasards aussi sont riches des bénéfices qu’ils procurent en profondeur, à l’instar de son mariage improvisé avec celle qui l’a accompagné de New York à Paris après un week-end passé à Gibraltar ; même si cette union avec une femme non juive perturbera durablement sa relation avec son père. Dans le domaine des rencontres, celle avec Nadia Boulanger, la célèbre professeure de musique, et le travail fait avec elle, constitueront une phase clé de son épanouissement artistique et humain. Ce récit à la première personne permet de suivre d’autres séquences de ces 80 ans de vie, qui se dérouleront au contact de nombreux artistes parmi lesquels J. Cocteau, J.L. Godard, F. Truffaut qui tiennent une place importante. Sa curiosité pour les cultures étrangères, notamment musicales, le conduira aux quatre coins du Globe et contribuera sans doute à ce qu’il se revendique « juif-taoïste-hindou-toltèque-bouddhiste » !