Les adversaires et les partisans déclarés de Donald TRUMP ont déjà un avis sur l’impact de son mandat à la tête des États-Unis. Les uns invoquent sa vulgarité et son incompétence, les autres convoquent les divers indicateurs qui attesteraient du redressement du Pays. Seule l’Histoire départagera ces visions simplificatrices. Mais, d’ici là, certains observateurs peuvent aider à affiner le jugement. C’est ce que tente le philosophe Alain BADIOU dans un essai dont on pourrait attendre un verdict sans appel. Si la critique est très vitriolée, elle résulte d’une analyse qui repositionne le sujet TRUMP au-delà des prises de position dichotomiques évoquées. Pour l’auteur, le Président américain n’est pas « un symbole de stupidité politique » mais plutôt « un symptôme d’une disparition de la politique et du triomphe du capitalisme ».
Sa démonstration est structurée en 3 temps.
Tout d’abord « deux jours après l’élection », il propose une « clarification » – et non « une explication complète » -, de ce qui a rendu possible ce « fait déprimant ». Il considère que l’arrivée au pouvoir de TRUMP résulte du consensus qui s’est créé autour de l’idée que le capitalisme et le libéralisme économique était « le seul destin possible de l’espèce humaine », véritable « monstre » qui paralyse tous les gouvernements de la planète. Ce contexte de « fascisme démocratique » a permis l’émergence de nouvelles figures et de nouvelles politiques, brutales, « totalement démunies de « stratégie politique », décomposant l’oligarchie politique classique et déstabilisant la classe moyenne.
L’auteur complète sa thèse « deux semaines après l’élection », en suggérant de dépasser « l’anxiété » suscitée par les premiers pas de TRUMP au pouvoir, et d’intégrer le fait que la crise de la représentation politique – des idées et des hommes – où la différence entre républicains et démocrates, entre gauche et droite, ne correspond plus à la réalité vécue par les citoyens, permet à des offres extrêmes d’emporter leur adhésion.
Enfin, Alain BADIOU conclut sa proposition « trois ans après l’élection », en reconnaissant que, en dépit de « ses foucades », TRUMP aura été « utile à son pays » et qu’il pourrait l’être pour le monde entier, pour peu que soit admis qu’il n’est plus suffisant d’opposer au capitalisme mondialisé des « gesticulations morales ou démocratiques ». Il est temps selon lui de se rassembler autour de « l’Idée » qu’il faut, non pas sortir du seul « Trumpisme », mais de « l’ordre capitaliste dominant », à partir de la constitution « d’un programme, d’une organisation et de vastes mouvements ». En bref, Alain BADIOU n’a pas oublié d’où il venait, mais il n’est pas sûr qu’une « révolution conduite dans le cadre d’une alliance entre tous les prolétaires nomades, les jeunes et les intellectuels » qui fleure bon son ami MARX, accélère la fin de TRUMP et de ses clones.